Cosey livre une histoire dont le scénario fondra peut-être dans nos mémoires comme neige au soleil mais dans laquelle il s'amuse avec le lecteur. Et Yiyun ne répond pas aux archétypes d’une héroïne de BD, qu'on se le dise !
Cosey s'amuse. Il prend du recul avec son œuvre tout en continuant à jouer avec ses thèmes favoris : les Alpes suisses, la Chine, la relation amoureuse, sa vision de la femme. Sur ce dernier point, conscient du changement des mentalités avec la génération montante, il s'est remis en cause en créant son histoire sous le regard de Maou, jeune artiste suisse d'origine chinoise : une des nombreuses filles abandonnées à la naissance du fait de leur sexe, alors que la politique de l'enfant unique était le mot d'ordre en Chine. Les parents préféraient avoir un garçon. C’est justement le thème de cet album.

Extrait de Yiyun. © Le Lombard 2025
Urs, un ado, essaie de se faire de l’argent en vendant des scènes folkloriques en papier découpé. Il doit se conformer aux attentes des touristes. Ses innovations, influencées par les BD qu'il aime, ne se vendent pas. Métaphore de la vie d'auteur de BD ? Urs est amoureux de Mei, jeune chinoise venue aux sports d'hiver en Suisse. L'hiver suivant, elle revient mais semble avoir changé. Amours de vacances éphémères ? Non : Mei a un impact notable sur la vie d'Urs, même s’il l’identifie dans un premier temps à Miss Wu, héroïne de BD asiatique sur laquelle il fantasme. Mais Mei est de chair et de sang. La métaphore est limpide. Cosey applique les leçons de Maou.
Cinq pages de textes illustrés viennent rompre le fil narratif. L'auteur lui-même nous incite à ne pas les lire ! Il invite plutôt à revenir sur ces pages par la suite, après s’être "débarrassé" de l'histoire. Cosey ne cherche d’ailleurs pas à nous surprendre via l’intrigue.

Extrait de Yiyun. © Le Lombard 2025
Ce qui demeure avant tout est la beauté graphique du travail de Cosey. Son style est une écriture visuelle, avec une musicalité du pinceau. La représentation des montagnes bien sûr. Mais celle des personnages également. Toujours. Avec un Urs face à ses doutes et une Mei (qui s'appelle peut-être en fait Yiyun) au charme à la fois simple et infini.
Pour les fans de Cosey, assurément.