Journal d'une bipolaire

Émilie se sent très mal dans sa tête. Un jour, le diagnostic tombe : la jeune femme est bipolaire. Ce journal touchant, écrit à quatre mains avec son père, Patrice Guillon, raconte le parcours du combattant de la malade. Il est dessiné avec justesse et délicatesse par Sébastien Samson, dont le noir et blanc sied parfaitement au récit.

Émilie Guillon est une jeune femme comme les autres. À un détail près : elle se sent de plus en plus mal dans sa tête. « Maniaco-dépressive », aurait-on dit il y a encore quelques années. Mais de foyers en hôpitaux, son mal-être la conduit à plusieurs tentatives de suicider, jusqu'à ce que tombe le diagnostic : Émilie est bipolaire. Dès lors, elle prend sa vie en main et décide de lutter corps et âme contre cette maladie mentale qui l'handicape au quotidien. Ce journal écrit à quatre mains avec son père, Patrice Guillon : c'est la bonne idée de cette bande dessinée, d'abord sortie en octobre 2010. Quatorze ans plus tard, les éditions La Boîte à bulles ont décidé de la rééditer et on comprend aisément leur choix : la bipolarité est de moins en moins tabou, on en parle de plus en plus, même si elle ne semble pas toujours très simple à diagnostiquer. Et, surtout, les traitements au lithium qui représentent le meilleur rempart contre cette maladie mentale, n'ont rien à voir avec la façon dont la médecine traitait les malades jusqu'à peu : des antidépresseurs qui, d'après de nombreux soignants, ne font qu'aggraver la bipolarité. On imagine les dégâts au fil des dernières décennies...

Journal d'une bipolaire © La Boîte à bulles

Un double regard sur la maladie mentale

Dans cette bande dessinée pleine de vie et de force combative, Émilie décrit son quotidien. Comme le souligne dans sa postface le Docteur Christian Gay, psychiatre et cofondateur de l'association France-Dépression, le regard du père de la malade, Patrice Guillon, présente un grand intérêt : il permet de voir la maladie sous le prisme du proche : c'est un œil précieux, complémentaire à la vision et au ressenti de la malade.

Le dessin en noir et blanc de Sébastien Samson apporte le réalisme et la sensibilité nécessaires au traitement d'un sujet délicat et la description d'un monde encore trop souvent tabou : celui des malades mentales. Le lecteur suit donc le parcours d'Émilie. Il se heurte, comme la jeune femme, aux obstacles qui le jalonnent et la contraignent à de multiples contournements. On vit avec Émilie ses hauts, ses bas, les jours avec, les jours sans. Malgré la difficulté du sujet, la BD se referme tranquillement, avec une lueur d'espoir : il est possible de vivre avec une bipolarité. Émilie en est la preuve.