Une lecture à faire au second degré, sans doute dans l’esprit de l’album. À moins de retrouver une âme d'enfant, si on a découvert Le Rayon U, il y a des décennies. Le dessin conserve l’esprit de Jacobs, sans en avoir l’élégance. Mais qui l’aurait ?
E.P. Jacobs a créé en 1943-1944 Le Rayon U pour le magazine Bravo afin de remplacer la série de SF Flash Gordon, interdite par les Allemands. Jacobs s'est donc plié à l'exercice d'un récit directement inspiré de l’univers d’Alex Raymond : les sept protagonistes principaux démarquent ceux de Flash Gordon ; les costumes sont « farfelus » (le terme est de Jacobs), comme dans la série américaine.
En créant une suite 80 ans (!) après, les repreneurs choisissent de faire un album très référencé à un autre album lui-même déjà référencé. Même si Jacobs s'émancipait peu à peu de Raymond, mettant davantage en avant les décors ou travaillant de manière plus réfléchie la couleur.
Jean Van Hamme joue avec les poncifs du genre ; on est proche du pastiche. Les commentaires et dialogues sont d'une naïveté assumée. Cela dit, le scénariste a trouvé un angle astucieux pour prolonger l'histoire, donnant l'impression que Jacobs lui avait tendu la perche par-delà les années. Quant à l'Uradium radioactif à quelques mètres des personnages sans que cela affole quelqu’un, on est dans une vision naïve de la fusion de l'atome typique des histoires des années 1940-1950.

Avant Blake et Mortimer, T.2, La Flèche ardente © Dargaud, 2023
Le dessin est dans l'esprit, mais sans plus : Christian Cailleaux a du métier et un style intéressant par ailleurs. Et Étienne Schréder a l'expérience de plusieurs Blake et Mortimer. Toutefois, la comparaison avec Jacobs rend le lecteur exigeant : visages fluctuants, attitudes parfois bizarres... Les quelques maladresses contribuent paradoxalement au charme rétro de l'album, renvoyant à une époque où l'important était de remplir vaille que vaille chaque semaine les pages des « illustrés » pour contenter les jeunes lecteurs. Et les décors kitsch sont très sympas, ainsi que les couleurs de Bruno Tatti.
Un album calibré pour les nostalgiques. Et ils sont légion, comme les chiffres de ventes des Blake et Mortimer le prouvent.