Derrière le respect de la franchise, les auteurs s’amusent avec le mythe : l’histoire semble être un récit classique pour contenter les fans, mais les ficelles utilisées avec malice tendent à démontrer qu’ils n’en pensent pas moins.
Bob Morane se retrouve au crétacé et doit affronter des dinosaures plus ou moins sympathiques. Après s’être demandé comment un vortex a pu apparaître au fond de la cave de Bob près de ses bouteilles de grand cru, on comprend vite qu’un piège lui a été tendu. Et l’intrépide héros y a foncé tête baissée !
L’histoire jongle avec des thèmes chers à Henri Vernes, le créateur de la série. Aventures viriles et paradoxes temporels sont ici au rendez-vous. Cela se laisse déguster avec plaisir, comme une série B des années 60, avec ses clichés et rebonds un peu téléphonés. Le lecteur peut être surpris que ce soit la première fois que Bob Morane croise la Patrouille du temps, qu’on a déjà pu voir dans d’autres albums. Mais cette reprise rebat les cartes.
Bec et Corbeyran s’amusent à mettre ce bon vieux Bob en mauvaise posture : non, nous ne parlons pas de tyrannosaures, mais de deux femmes : Sophia Paramount (la Miss Paramount chantée par Indochine), jeune journaliste en quête de scoops, et Natacha Illevitch, une scientifique (qui était un homme dans les romans de Vernes). Le Commandant ne sait plus où donner de la tête entre les deux. Les dialogues traduisent de manière savoureuse son inconfort.
Bob Morane : Les Prisonniers du Temps
©Soleil, 2022
Le dessin de
Paolo Grella a évolué depuis le tome 1 : le trait est épuré pour représenter les personnages, notamment leurs visages. Cette stylisation apporte un cachet qui évoque
William Vance, la référence parmi les différents dessinateurs qui ont œuvré sur la série. Si Grella dessine un Bob Morane très fidèle à celui de Vance, son Ballantine est différent, probablement la soupape pour s’émanciper graphiquement de Vance. Les décors, ainsi que les dinosaures, sont travaillés afin d’être spectaculaires.
Au final, les ingrédients sont là pour passer un bon moment, mais on peut se demander s’il n’y a pas une bonne part de 2nd degré : le résultat n’est pas si éloigné de Bob Marone, la parodie de Yann et Conrad.