À l’occasion du centenaire de la mort de Marcel Proust, Chloé Cruchaudet nous offre une brillante photographie en contrechamp de l’artiste par le biais de sa relation avec Céleste Albaret, sa dernière gouvernante.
Charmante campagnarde inculte d’une vingtaine d’années, la jeune Céleste Albaret arrive à Paris. Odilon, son mari, est le chauffeur de Monsieur Proust et l’introduit auprès de lui. Elle doute de son intérêt puisqu’elle est peu dégourdie, très candide, et qu’elle ne sait rien faire. Mais c’est sans doute pour cela que Marcel s’attache ses services : elle est fraîche, directe et naïve, il peut la façonner à l’envie ! Le dandy malade aux horaires décalés et aux moeurs bourgeoises qui ne se consacre qu’à sa littérature va entretenir avec Céleste une relation particulière, entre besoin et amitié. Ce premier tome d’un diptyque est, évidemment, très beau et délicat grâce au graphisme de Chloé Cruchaudet, mais offre aussi une vision différente et intime de Marcel Proust, comme de l’époque (la Première Guerre mondiale et les années 20).
Céleste T.1 Bien sûr, monsieur Proust
© Soleil, 2022
Slave to love
Si on n’a « découvert » Céleste et son importance dans la vie de Proust que dans les années 60, on sait maintenant qu’elle fut non seulement sa confidente, mais aussi son auxiliaire et surtout une réelle aide à l’écriture. Devenant même personnage de roman (Françoise, employée de tante Léonie dans À la recherche du temps perdu), Céleste ne fut pas qu’une servante. Elle s’en occupait comme une mère (dont elle fut elle-même l’enfant, lui a permis de continuer d’écrire, et l’a porté au quotidien.
Sans elle, pas d’À la recherche du temps perdu, dont les sept tomes feront de lui un des auteurs majeurs du xxe siècle, le faisant passer à la postérité ! La dévotion de Céleste, entre amour platonique et admiration, en fit une prisonnière volontaire, dont les souvenirs donnent une saveur particulière à toutes nos madeleines sur l’écrivain. Et vu le cliff-hanger final de ce tome, on attend déjà avec impatience la suite et fin dans le second tome…
Article publié dans le Mag ZOO N°87 Mai-Juin 2022