
Bézian et Docteur Radar, deux insaisissables
Bézian avait déjà travaillé avec Simsolo au scénario pour Ne Touchez à rien. Depuis, après un Aller-Retour autobiographique, Bézian revient dans Docteur Radar à un
20 février 2014
-Interview
Série : Docteur RadarTome : 3/3Éditeur : Glénat BD
Scénario : Frédéric Bézian, Noël SimsoloDessin : Frédéric Bézian
Collection : Hors Collection
Genres : Polar / Thriller
Prix : 19.50€
Scénario
Dessin
L'insaisissable génie du mal. Il veut conquérir la lune pour bombarder la terre et devenir le maître du monde. Alors, pour obtenir les plans d'une fusée intersidérale, il sèmera la terreur à Venise. Il l'a annoncé : il tuera à tour de bras tant que ses exigences ne seront pas satisfaites et plongera la ville dans la peur. Le gouvernement et la police s'inclineront devant son pouvoir. Et cette fois, il sait qu'il va gagner. Il sera Docteur Radar, Maître du monde ! Mais dans la nuit vénitienne, ses éternels adversaires Ferdinand Straub et Pascin s'évertuent à perturber les plans délirants d'un Radar plus savant fou que jamais ! Noël Simsolo et Bézian nous replongent dans les aventures délicieusement feuilletonesques du Docteur Radar. Un récit enlevé au dessin virtuose qui rend autant hommage au cinéma expressionniste allemand qu'à Fantômas et aux romans de gare du début du XXe siècle.
Le Docteur Radar revient pour un troisième opus sur fond d’une Italie bientôt fascisante, avec un titre follement cinématographique.
Radar est de retour, et il n’a jamais été aussi prêt d’atteindre son but. Il ne lui manque plus que l’invention de Bene pour terminer sa fusée et permettre ainsi à son projet d’aller sur la Lune pour bombarder la Terre. Faute de pouvoir se faire craindre par le scientifique italien, le criminel dément fait régner la terreur à Venise jusqu’à ce qu’on lui remette la formule désirée.
Malgré son titre évocateur, aucune ressemblance entre le film de Visconti et ce troisième chapitre des méfaits du Docteur Radar qu’on verrait plutôt sorti de l’univers de Fritz Lang. Comment ne pas retrouver les influences du cinéma expressionniste allemand des années 20 dans l’architecture à la géométrie alambiquée des décors des deux premiers albums? Bézian et son scénariste, Noël Simsolo, par ailleurs auteur d’anthologies du cinéma d’avant-guerre, s’amusent à jouer avec les codes du fantastique du siècle dernier : un détective rentier, symbole de la bonne société bourgeoise, poursuit un scientifique cruel et sans scrupules, chef d’un réseau criminel, usant et abusant des postiches afin de tromper ses victimes et la police. Un autre Docteur Mabuse, quoi... il a même, lui aussi, des talents d’hypnotiseur!
Les auteurs semblent cependant vouloir changer de paradigme dans ce tome. Terminé, le romantisme subjectif dans lequel Radar recrute ses complices parmi les artistes de cirque ou emploie un orang-outan comme bourreau. Les décors «extérieurs» sont réalistes, les intérieurs glorifient la science moderne et la conquête de l’espace. Même le rythme est changé, plus soutenu avec ses trois bandes par page, répétant le plus souvent le format gaufrier. Presque une rupture. Comme si Bézian, à travers ces trois albums, nous montrait la brutale évolution d’un monde, celui du muet au parlant, de la vieille Europe à peine sortie d’un conflit mondial et s’apprêtant à se jeter dans les bras des régimes totalitaires, scientifiquement organisés, prêts à écraser les peuples. Docteur Radar n’est pas une suite d’albums, c’est un tout reconstituant les fantasmes créatifs d’une époque oubliée.
Et pourtant c’était il y a juste cent ans.
Article publié dans le Mag ZOO N°83 Septembre-Octobre 2021