Ce second tome offre un témoignage poignant de la vie dans les campagnes françaises après la Première Guerre mondiale. Il montre la dureté du quotidien des paysans, rendue encore plus insoutenable par la perte de leurs proches et le retour des survivants profondément marqués psychologiquement.
Jules Matrat, paysan taciturne et robuste de la Haute-Loire, survit aux horreurs des tranchées grâce à l’amitié indéfectible qui le lie à Louis Agnin, un soldat de son régiment. Cette relation, unique dans la vie de Jules, dépasse en intensité tous ses autres liens, même celui avec Rose, sa fiancée, qui l’attend patiemment à la campagne. En 1918, alors que la guerre touche à sa fin, quelques poches de résistance allemande subsistent. Jules et Louis sont envoyés en mission pour neutraliser une mitrailleuse ennemie. Durant l’opération, Louis est tué. Anéanti par la perte de son ami, Jules sombre dans une profonde dépression.
De retour à la ferme quelque temps plus tard, il retrouve sa famille et Rose, qui se réjouissent de le voir sain et sauf. Mais Jules, hanté par la guerre, demeure distant et replié sur lui-même. Fidèle à sa promesse d’avant-guerre, il épouse Rose et reprend le travail agricole, mais sans retrouver goût à la vie. Son caractère change, et il entraîne peu à peu son entourage dans sa mélancolie. Les relations frustes mais franches n’allègent en rien ce fardeau.

Jules Matrat - Tome 2 © Serge Fino - Glénat
Serge Fino poursuit dans ce deuxième tome la narration amorcée dans le précédent. Alors que le premier volet explorait la vie des campagnes pendant le conflit, ce nouvel opus brosse un portrait saisissant des traumatismes de l’après-guerre. Les familles, décimées, peinent à se relever. Certaines doivent vendre leurs terres, faute de main-d'œuvre suffisante. Les survivants, même ceux qui ont échappé à la mort, sont souvent brisés par des souvenirs insurmontables.
L’auteur s’appuie sur un découpage classique et un dessin réaliste pour restituer ces atmosphères rudes. Les planches, mises en couleur à l’aquarelle, sont baignées dans une lumière crépusculaire qui reflète l’état d’esprit de Jules. Cependant, cette approche peut parfois prêter à confusion, certaines scènes diurnes paraissant se dérouler au coucher du soleil. Malgré cela, les vastes paysages et les silences sont remarquablement rendus.
L’adaptation du roman est une réussite. Le dessinateur parvient à faire ressentir et comprendre les liens complexes entre les personnages. Le style des dialogues respecte fidèlement l’œuvre originale, renforçant l’authenticité du récit grâce à un langage et des expressions typiques de l’époque.