Jumelle - T1 : Inséparables

« On rêve tous, paraît-il, d’avoir une âme sœur. » Certains n’ont pas besoin d’en rêver : ils naissent avec. Florence Dupré la Tour raconte son enfance profondément marquée par son statut de « jumelle », en recherche d’une individualité jamais loin de la complémentarité. Un portrait intimiste savoureux.  

Florence et Bénédicte sont totalement identiques. S’il n’y avait cette fossette, cette manière d’écrire ou de prononcer les « z »… Flo et Béné grandissent en symbiose, dans une bulle d’harmonie excluant tous les « intrus », à commencer par les autres membres de leur famille. Flo se construit progressivement, son identité s’affirme mais toujours en résonnance avec sa sœur. Car Flo aime la forêt, les animaux et Ken le survivant. Alors que Béné c’est une « fille » qui aime les Barbies… Si Béné est une « fille », qu’est-ce qu’est Flo ?

Jumelle T.1 - Inséparables
© Dargaud, 2023

Florence Dupré la Tour poursuit son projet autobiographique entamé en 2016 avec Cruelle et poursuivit avec l’excellent Pucelle (2019). Cet album évoquait déjà l’enfance et le tabou de la sexualité au sein des familles. Avec Jumelle, Florence Dupré la Tour s’attaque à un pan encore plus intime de sa vie : sa relation à sa sœur jumelle, à sa propre individualité mais aussi au genre.

La gémellité c’est « à la fois ce qui me définit le mieux et ce qui m’empêche de me définir ». Au fil des pages, on découvre, en même temps que la petite Florence, le plaisir de l’amour fusionnel mais aussi la quête de la singularité, auxquels s’ajoutent la jalousie et la compétition.

 « Il y a dans le rapport gémellaire une intensité qui ne se trouve nulle part ailleurs, pas même dans la relation amoureuse ». Mais « c’est dans cette relation là que je me suis sentie le plus seule au monde ! »

Jumelle T.1 - Inséparables
© Dargaud, 2023

Femme des années 80, moins Colombine qu'Arlequin

Plus que la quête du soi, l’autrice s’attaque aussi au poids immense de l’éducation, des produits culturels et des role model dans la construction d’un enfant. Florence Dupré la Tour raconte les questionnements sur le genre d’une petite fille « pas comme les autres » dans les années 80.

Jumelle T.1 – Inséparables est drôle, cruel, sans concession, terriblement vrai. On sort de sa lecture avec cet étrange sentiment de honte et de nostalgie, se rappelant l’instinctivité brutale et naïve de notre propre enfance.

On retrouve le dessin souple et dynamique made in Florence Dupré la Tour. Ces personnages sont à la fois attachants et drôles. La mise en couleur à l’aquarelle apporte de l’épaisseur au dessin léger et incisif.

Une belle réussite qui ne peut aller sans un second tome que l’on espère tout aussi bon.