Pendant la Seconde guerre mondiale, une institutrice centre-bretonne s'enfuit avec ses élèves pour cacher l'un d'entre eux, Jacques. Ce petit Juif est traqué par la milice bretonne qui copine avec les Nazis... Après un premier tome remarquable, tant par la qualité de son scénario que par le dessin incroyablement vivant de Carole Maurel, la dessinatrice d'En attendant Bojangles, voici l'épilogue, tout aussi réussi, Les enfants de Surcouf.
En juin 1944, Marie-Noëlle, maîtresse d'école en Bretagne intérieure, prend la poudre d'escampette avec sa classe. Son objectif : ne pas laisser Jacques Rosenthal, son élève juif, tomber entre les griffes d'une milice bretonne proche de l'Occupant. On retrouve le groupe où on l'avait laissé à la fin de l'excellent premier tome, traqué dans la forêt de Ploménéac. Pour parvenir à ses fins tout en contournant l'antisémitisme primaire du jeune Guénolé, l'institutrice doit redoubler d'imagination.
C'est ainsi qu'elle pousse ses écoliers à surmonter leurs peurs, sauter dans une rivière, se rendre de la cime d'un arbre à un autre en empruntant un pont de singe de fortune, utiliser un puits comme leurre pour tromper la milice bretonne armée de mauvaises intentions. Parviendra-t-elle à déjouer leur malveillance pour mettre la main sur Jacques ? Réussira-t-elle à conserver une cohésion de groupe malgré la fourchette d'âge des enfants (de cinq à onze ans à vue de nez) et le travail de sape de Guénolé ? C'est tout ce qu'on découvre dans ce second tome. Et bien plus encore.

L'institutrice, T.2 : Les enfants de Surcouf
© Albin Michel, 2022
Car le scénario d'Yves Lavandier, d'abord prévu pour le cinéma, entraîne la réflexion bien au-delà du déroulé de l'histoire. À l'heure des xénophobies de tous poils et de l'accession des extrêmes à la tête de plusieurs pays, notamment européens, le combat de l'héroïne maîtresse d'école prend une dimension encore plus profonde.
Il amène à s'interroger sur un des grands paradoxes de l'humanité : comment est-il possible, lorsque l'on raisonne un tant soit peu et qu'on a un minimum de hauteur de vue, de rejeter l'autre à cause de ses origines, sa confession religieuse, sa couleur de peau ou de ses préférences sexuelles ? Le mystère est dans un coffre dont la clé est, peut-être, au fond du puits que pulvérise la milice bretonne de cette BD pendant que l'institutrice et ses écoliers y ont trouvé refuge.