La Seconde Guerre mondiale démarre et c’est déjà la déconfiture pour les troupes françaises. Le soldat Videgrain veille sur les corps. Mais au moment de repartir, il découvre une balle logée dans le réservoir de sa moto. Première partie réussie, texte comme graphisme, de cette histoire ubuesque et pourtant troublante de réalité.
1940. Dans les campagnes françaises, c’est la lose, la débâcle, la déconfiture. Allemands partout, Français nulle part. Au bord des routes, les corps s’empilent. Videgrain, soldat du 11e régiment, veille sur ce champ de ruines. Mais au moment de repartir, il remarque qu’une balle perdue a percé le réservoir de son tromblon. Enfer et damnation. Commence alors une fresque guerrière surréaliste.
Le style Rabaté se reconnaît entre mille. Par son humour sans concession, sa vision réaliste de l’histoire, son scénario construit et ce je-ne-sais-quoi qui nous replonge dans l’authenticité de cette France d’avant. Situations cocasses dans un contexte macabre, répliques assaisonnées aux petits oignons... Videgrain est un guide de choix dans ce monde de décombres, cette désillusion.
Esthétique dans Ibicus, savoureux dans Les petits ruisseaux, touchant dans Le petit rien tout seul avec un ventre jaune, le trait de Rabaté gagne en épaisseur-profondeur avec la maturité. Le dessinateur ne se laisse pas conter la guerre : il se l’approprie en livrant un dessin aussi ciselé que son texte. Travail d’orfèvre à l’horizon pour peindre un tableau où rien ne manque : les relations, les scènes cocasses entre ces croque-morts d’un nouveau genre, le drôle de climat ambiant...
Pascal Rabaté, le plus cinéaste des auteurs de bande dessinée, montre une nouvelle fois sa rigueur du mouvement dans la case et le recul dont il sait faire preuve sur son histoire. À travers le regard et le ressenti de ce soldat condamné à veiller les morts, c’est tout le récit de cette période noire qui se cristallise.
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