Ils sont là. Désœuvrés. Au bord de cette route, au bord de cette guerre. Avec ce deuxième tome qui achève brillamment une série éclatante comme un obus, Pascal Rabaté touche à la nature profonde de l'homme. Son dessin d'ombre et de lumière donne à voir cette France qui déraille. C'est la vraie déconfiture.
Ils sont là, à attendre que guerre se passe. Que corps s'enterrent. Que le manque de viande à se mettre sous la dent et de dames à mettre dans son lit se fasse un peu moins sentir. Ils sont là avec leur histoire, leur passé, leur trajectoire. En colonne, à attendre en rampant vers l'Allemagne. Mais qu'attendent-ils, au juste ? Et pourquoi ?
Pascal Rabaté signe ici un texte qu'il est allé chercher au fond de ses tripes. Une narration où le non-dit prend une valeur inestimable. Ces hommes, Videgrain et les autres, n'en peuvent plus d'attendre. De cette atmosphère insupportable s'échappe un récit tout en nuances, en suggestions. Une lecture qui n'apporte que du bon.
Son dessin est ton sur ton. Le travail impressionnant sur les variations de lumière, les ombres et les seconds plans apportent une valeur indéfinissable à ce deuxième tome. Dans la même veine que le premier. Mais encore meilleur. Car de l'attente historique et narrative naît l'attente graphique. C'est long, ça se sent et ces hommes font ce qu'ils peuvent pour s'occuper l'esprit et les mains. Il y a du Céline dans Rabaté. Mais pas que.
Dans Rabaté, il y a surtout... du Rabaté. Cette vision qui va du particulier au général. Ce talent pour cristalliser ce que l'homme a de plus profond : ses doutes, ses faiblesses, ses erreurs. Ce sont les hommes qui font l'histoire. Et quand elle tourne au ralenti, beaucoup de choses avancent dans le non-dit. Rabaté les magnifie.