Après avoir mis en scène la mort inattendue de Staline dans un premier tome récompensé par le Prix du meilleur album Historia, Nury et Robin nous invitent aujourd’hui à ses funérailles.
On assistera donc à une cérémonie grandiose, bien répétée pour éviter d'éventuelles bévues, mais aussi à la surprise et au désarroi des deux enfants de Staline. Le lecteur participera également aux nombreuses intrigues des prétendants à la relève de l'Homme de Fer, à leurs alliances et à leurs trahisons. Favori disposant d'une longueur d'avance, Beria, le puissant chef du NKVD (police secrète de l'URSS) qui s'était emparé des dossiers secrets de Staline, sera finalement évincé à l'initiative de Khrouchtchev. Tout cela implique de longues discussions des membres du Politburo, mais les auteurs parviennent à rendre passionnants ces conciliabules à huis clos.
Thierry Robin commente son travail : "Dans une séquence de neuf pages, on voit huit personnes parler politique assis autour d'une table. Il y avait déjà beaucoup d'intensité dans les dialogues de Fabien. Je n'avais jamais illustré une telle scène et j'y ai pris beaucoup de plaisir. Et sans tricher (pas de vue de la façade avec une bulle qui sort d'une fenêtre !). Il a fallu choisir des cadrages diversifiés pour faire vivre la scène, mais sans excès non plus. Pour plus de clarté, j'ai souvent dû cadrer la personne qui parle : Beria pose une question et Khrouchtchev répond. Mon maître dans ce domaine, c'est Mankiewicz, qui a montré que l'on pouvait être bavard sans jamais être ennuyeux."
© Nury et Robin/Dargaud 2012
Thierry Robin s'est passionné pour ce diptyque. Il explique ainsi son engouement : " J'avais de la famille communiste, il y avait même un portrait de Staline dans le salon de mon grand-père. J'avais comme projet une biographie de Staline, projet qui s'est vite révélé trop énorme. Ces deux livres sur sa mort et la lutte de succession sont un formidable portrait de cette société. J'assume les espoirs qu'a eus ma famille après-guerre, il y a eu, en France, une vraie tentative de changer la société dans un esprit de grande solidarité. Je comprends leur traumatisme quand on a découvert que ces dirigeants étaient tous des criminels de masse ou des psychopathes (saurat-on jamais combien Beria a violé de gamines russes ? On a même retrouvé des ossements dans la cave de sa datcha), le tout dans un climat pesant de paranoïa et de beuveries. "
Les auteurs ont respecté la réalité des faits et des lieux.
Le dessinateur précise : " J'ai accumulé beaucoup de documentation sur le sujet (que je vais bientôt ranger dans des cartons). Je pense que le ton de comédie noire donné par Fabien passe mieux ancré dans un environnement authentique et précis. On nous a reprochés de romancer, mais tous les événements sont historiques, rapportés par des témoins et même filmés pour certains. Comme souvent, on ne peut faire mieux (ou pire) que la réalité, surtout quand on touche aux aberrations du système communiste. "
Les dialogues de Fabien Nury mettent bien en évidence l'aspect " langue de bois " de la rhétorique marxiste et de la dialectique communiste. Et l'absurdité de ce régime bureaucrate basé sur la terreur est évidente. Toujours avec Fabien Nury, Thierry Robin prépare actuellement un nouveau projet sur la Russie de la fin de l'époque tsariste, ce qui témoigne de l'intérêt des auteurs pour ce grand pays à l'histoire violente et tragique.
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