Olivier Bocquet est un scénariste polymorphe. Il le prouve en s’attaquant avec audace à un genre classique de la BD, le western. S’associer à une des dessinatrices les plus percutantes du moment, Anlor, constitue un casting parfait. Au final, cet album fait grimper la tension en parlant de la place des femmes dans la société américaine du XIXe siècle.
Une Londonienne perdue dans l’Ouest sauvage, une native américaine dont la tribu a été décimée, une esclave noire en fuite, une maîtresse d’école à la retraite et une prostituée afro-américaine. Cinq femmes, cinq victimes désignées, mais qui ne vont pas se laisser faire.
Toutes les violences ne se valent pas
Des femmes, des armes : peu de chance que le pacifisme soit ici un sujet. Olivier Bocquet traite d’une époque violente en refusant de faire des femmes de simples victimes. Il dresse ainsi une inégalité entre la violence masculine qu’il pousse à l’extrême et celle de ses héroïnes, intense, mais subie et destinée à se défendre.
Ladies with guns - Tome 1 © Dargaud, éditions 2022
Pourtant, le statut de victimes potentielles était évident. Les personnages cumulent toutes les difficultés : femmes, racisées pour la plupart, ou vieilles, ou isolées… Bocquet invite le lecteur à voir la réalité d’un concept rare en BD : l’intersectionnalité. L’idée que certaines dominations peuvent se cumuler.
De la dynamite aux pinceaux
Elles sont deux artistes à œuvrer visuellement. Au dessin d’Anlor, déjà brillant pour qui avait lu ses livres chez Grand Angle, est associée la mise en couleur d’Elvire de Cock. L’énergie du trait de la première dynamite les cases, même lors de simples dialogues. La palette de la seconde génère des ambiances immersives qui décuplent la puissance du trait. On pourrait penser qu’une seule artiste est à l’œuvre. Cela en fait une réelle performance.
Ladies with guns - Tome 1 © Dargaud, éditions 2022
Western féministe et pêchu comme un blockbuster américain, Ladies with guns s’avère un titre redoutablement efficace qui pourrait bien séduire jusqu’aux moins « woke » des lecteurs.