Angleterre, 1954. Une femme se penche sur son passé et raconte à sa fille ses jeunes années. Sans nouvelles de son mari, disparu aux frontières de la Mongolie durant la Révolution russe de 1917, elle décide de partir à sa recherche. C’est là qu’elle va rencontrer le baron fou. Près de quarante ans après Corto Maltese en Sibérie, chef-d’œuvre d’Hugo Pratt, Rodolphe et Michel Faure revisitent avec brio cette page d’Histoire.
Le récit s’ouvre d’ailleurs sur un autre clin d’œil à Pratt avec l’as de pique qui va déclencher l’histoire en 1920. Alors qu'elle s’appelait encore Elisabeth Von Ruppert, la jeune femme parcourait les steppes glacées où, rouges (les bolchéviques) et blancs (les tsaristes) continuaient de s’affronter.
Rodolphe signe ici l'un des meilleurs scénarios de sa longue et riche carrière. Il a choisi le mode le plus traditionnel pour dérouler son histoire : un long flash-back ponctué de retours au présent, à la manière des grands classiques du cinéma. Dans cet esprit, on pense à Lawrence d’Arabie ou encore, contexte oblige, à Reds, le très beau film de Warren Beatty.
Michel Faure n’a jamais rechigné à illustrer des récits ancrés dans l’Histoire : on se souvient encore de sa grande série des guerres napoléoniennes, Les Fils de l’Aigle. Pour sa première collaboration avec Rodolphe, il retrouve tous les ingrédients permettant à son trait nerveux de s’éclater : scènes d’action, grands espaces, chevaux… Et même s’il arrive que son dessin au détour d’une planche ressemble davantage à un crobar de storyboard qu’à une page vraiment fignolée, son découpage « emporte allègrement le morceau ».
Loin d’être écrasé par la référence « Prattienne », ce Baron fou est assurément une belle réussite. Suite et fin dans le prochain tome.