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Le dernier sergent - T1 : Les guerres immobiles

couverture de l'album Les guerres immobiles

Série : Le dernier sergentTome : 1/1Éditeur : Delcourt

Collection : Hors collection

Prix : 34.95€

  • ZOO
    note Zoo4.0

    Scénario

    4.0

    Dessin

    4.0
  • Lecteurs
    note lecteurs
    0 critique

Le synopsis de l'album Les guerres immobiles

Tandis que Fabrice termine le tome 3 de Journal, une certaine reconnaissance de son travail lui fait rencontrer artistes et intellectuels qui structurent son émancipation politique. Mais n'est-elle pas encore pour certains privilégiés ? Les slogans progressistes cosmétiques peuvent-ils augmenter le territoire concret des rencontres entre hommes quand celui-ci a toujours la même surface au sol ?


L'Intime mis à nu

Après une réédition récente et bienvenue de son Journal, Fabrice Neaud présente enfin la suite de la description méticuleuse des causes d’un mal-être passant souvent pour de la misanthropie agressive.

Impossible de se targuer d’un minimum de vernis culturel en bande dessinée sans avoir lu le Journal de Fabrice Neaud tant cette œuvre majeure publiée entre 1997 et 2002 a été un des précurseurs du journal intime en général et du discours homosexuel assumé en particulier.

Le ton, la forme et le contexte de ce premier tome du Dernier Sergent nous replongent à la fin du 4e journal, comme si les 24 années passées étaient effacées. Rappelons qu’en cette fin des années 90, il n’était pas évident de vivre son homosexualité, encore moins sans le sou dans une petite ville de province.

Le dernier sergent, T.1, les guerres immobiles

Le Dernier Sergent, T.1, Les Guerres immobiles © Delcourt, 2023

Homophobie et misère sexuelle

À cette époque, souvent appelée « les années SIDA », la maladie encore mal connue impactait énormément la sexualité des adolescents et des jeunes adultes. Entre les risques sanitaires réels (des traitements expérimentaux et l’espérance de vie des séropositifs fortement réduite) et les psychoses collectives alimentées par les rumeurs les plus délirantes, l’acte amoureux était devenu un facteur anxiogène pour celles et ceux qui découvraient leur sexualité. Imaginez alors les tourments d’un jeune trentenaire – maigre et peu assuré – dont le corps réclame quotidiennement son lot d’exultation physique, dans une société hétérocentrée où le sexe est partout affiché, mais se dérobe à lui. Sans compter les violences perpétrées à l’encontre des homosexuels, brutalités physiques commises par des brutes dégénérées (dont – ironie du sort – certains correspondent au canon érotique de l’auteur), mais aussi psychologiques par le biais des insultes ou de la formalisation d’idées reçues non moins méprisantes.

Le dernier sergent, T.1, les guerres immobiles

Le Dernier Sergent, T.1, Les Guerres immobiles © Delcourt, 2023

L’éclatante obscurité du trait

Pour autant, l’album ne se résume pas à une suite de séquences où, avec une franchise déconcertante dénuée de toute provocation, l’auteur mêle ses pratiques sexuelles dans des conditions proches du sordide, les frustrations de l’auteur négligé ou incompris, et la mort frappant une famille dysfonctionnelle.La vie est aussi heureusement faite de rencontres permettant d’alléger la « charge mentale » de cet hypersensible avide d’amour et de culture.

Ces pages positives démontrent, s’il était besoin, l’éloquence graphique de Fabrice Neaud. Quand il dessine ses amis ou ce fameux sergent, on ressent la force de ces amours platoniques et la séduction intellectuelle qui s’en dégage.Et les pages nocturnes ! On pourrait passer des heures entières à admirer certaines pages évoquant – sans aucun texte – des déambulations solitaires et la force des émotions vécues. C’est beau, et tragique à la fois.

Article publié dans le Mag ZOO N°94 Septembre-Octobre 2023

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