Toujours dans les pas d’Alberto, nous arrivons cette fois à l’automne 44, dans la région de Fontanaluccia, un peu plus bas que Vignola où se déroulait l’action du précédent volume. Stefano Ascari et Roberto Baldazzini continuent d’évoquer l’Italie occupée.
Alberto, blessé durant une attaque, a été transféré à l'hôpital de Fontanaluccia. Cependant, lors d'une évacuation générale imposée par l’approche des Allemands, il est séparé de ses compagnons du détachement Berto. Il décide donc de se diriger vers la zone libre de Montefiorino, convaincu qu'il les y trouvera. En route, il s'arrête au château de Farneta où il se joint à un groupe de résistants auquel il offre son aide pour orchestrer une attaque contre un convoi. Il découvre alors dans l’une des voitures de tête son propre père…
Le bien, le mal et autre chose aussi
Alberto est donc devenu l’image même du résistant, issu de milieu privilégié, qui désire néanmoins défendre sa patrie face à ceux qui l'attaquent, les fascistes et les nazis. Au fur et à mesure de ses nombreuses interventions, le jeune homme a acquis de l'expérience, tout en conservant cette touche de romantisme qui lui permet de se remémorer la belle Silvana qu’il a rencontrée auparavant.
Toutefois, même si les deux auteurs restent assez concentrés sur le personnage principal, ils soulèvent la question épineuse de la fidélité, de ce qui peut inciter les hommes, par peur ou par égoïsme, à abandonner ou trahir leurs compagnons. Ils démontrent également qu’au sein des partisans, il y a des objectifs qui divergent, que ce soit parmi les groupes antifascistes ou le camp des communistes. Et cette tension peut parfois conduire à des accidents, comme on le remarque lorsque Alberto se mesure à un Russe dans une taverne. C'est cette ambivalence des intérêts de chacun qui peut rendre la situation plus complexe et influer sur la façon qu’on peut avoir de la percevoir, oubliant qu’on a surtout à faire à des hommes passionnés, résolus à se lancer dans un combat qui les dépasse.

" [Les auteurs] démontrent également qu’au sein des partisans, il y a des objectifs qui divergent " © Fordis, 2025 - Baldazzini et Ascari
Un anti-héros ?
Le travail de documentation colossal est encore une fois évident, comme le montre le dossier final qui contextualise l'histoire et établit des repères pour appréhender les enjeux, ainsi que les petites ambiguïtés que souhaitent mettre en lumière les auteurs à travers le personnage de Nicola, un homme qui navigue d'un camp à l'autre sans assumer ses actes.
Le scénario est donc extrêmement précis, tout en évitant assez adroitement de s’enfermer dans des détails trop techniques, trop historique aussi. En centrant l’intrigue autour des personnages, Ascari démontre que cette guerre, tout comme bien d'autres, est surtout une histoire d'individus, d’hommes, de femmes, d’engagement humain. Les deux premiers tomes mettaient en scène des personnages principaux relativement attachants ; cette fois, l’énigmatique Nicola du titre s’éloigne de cette vision. Il est sournois, évasif et peureux, il manœuvre pour tenter d'en tirer le meilleur avantage possible. L’idée n’est pas forcément de le juger, ni même de le comprendre véritablement, simplement que la guerre peut parfois pousser les individus à lutter pour leur survie à tout prix, au détriment des idéaux et autres cas de conscience éthiques…
Un troisième volume tout aussi passionnant et profond que les précédents.