Jul trouve peu à peu ses marques dans cette série, avec un scénario plutôt bien construit, même si on rêve toujours de ceux de Goscinny. L’occasion aussi pour Achdé de tenter des choix graphiques différents, dans les brasseries allemandes.
Le peuplement des USA s’est fait avec des migrations successives, aboutissant au XIXème siècle à une mosaïque de cultures. Goscinny avait par exemple traité les Irlandais dans l’excellentissime Canyon Apache. Jul, après avoir évoqué les Juifs dans La terre promise ou les Cajuns dans Un cow-boy dans le coton, s’attaque cette fois aux Allemands dans une histoire où la bière coule à flot.
L’angle choisi par le scénariste est inhabituel dans un Lucky Luke : le cow-boy est chargé de demander aux ouvriers de cesser leur grève dans les brasseries de Milwaukee ! On peut se demander ce que Luke vient faire dans cette galère, mais cela le change de son quotidien mouvementé quoiqu’un poil monotone : arrêter des bandits, convoyer des vaches, faire des rodéos ou capturer des mavericks. Lucky Luke en a visiblement plein le dos, d’où ce mal de dos qui va le conduire chez un médecin allemand à New München.
Achdé enchaîne des cases dans lesquelles il prend soin de faire des compositions à la Morris et d’autres dans lesquelles il opte pour des partis pris différents. Tant mieux, cela évite à la série de se scléroser. Le découpage du début d’album est tout à fait réussi : les deux premières planches centrées sur les nombreuses activités de Luke, la troisième plus lente, à la mesure des déplacements d’un cow-boy au dos bloqué. Cette évocation du surmenage au travail se prolonge par la description du dur métier d’ouvrier dans les grosses brasseries de Milwaukee, émanations de l’industrialisation de l’Amérique. Les gags ne sont pas pour autant oubliés, le meilleur étant celui des tonneaux des Dalton.
Extrait - p.4
© Dargaud, 2024 - Achdé et Jul
Extrait - p.5
© Dargaud, 2024 - Achdé et Jul
Comme à son habitude, Jul fait différents clins d’œil à la société actuelle et quelques jeux de mots, ce que les puristes de Lucky Luke n’apprécieront peut-être pas : ce n’est pas dans la grammaire historique de la série. Mais même si les meilleurs albums sont dans la période Goscinny/Morris, la série reste vivante.