L’Esprit du 11 janvier est mort ? Pas si sûr.
11 mars 2016
-Interview
Fannie est une empathique. A l'Hôtel-Dieu, elle prend soin des esprits égarés, qu'elle aide à reprendre contact avec la vie. Un talent qui attire l'attention de la Pieuvre, et plus particulièrement de la Bouche, qui la kidnappe pour renouer avec sa fille Zélie, dont l'esprit vagabonde depuis sa rencontre avec la Bête. Désormais, le destin des trois personnages est lié, pour le meilleur comme pour le pire.
Avec Les Contes de la Pieuvre, Gess compose une œuvre riche, singulière, aussi passionnante que les feuilletons des grands maîtres du genre, où chaque nouveau volume embellit encore l’ensemble.
Entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe, la Pieuvre est la plus dangereuse des mafias parisiennes. Ses membres ont presque tous des « talents ». Quelques exemples ? Les Coriaces et autres Durs-à-cuir ont une force surhumaine, leur peau épaisse ne craint ni les armes blanches, ni les balles. Protagoniste du premier volume, Gustave Babel peut comprendre toutes les langues, tous les argots, tous les dialectes. Il les parle sans accent, bref, il fait couleur locale où qu’il soit. Le dangereux Hypnotiseur fait de quiconque sa marionnette. Émile Fargès, lui, est un « Trouveur » : lancer un caillou sur une carte lui permet de localiser avec 100 % de réussite quelque chose ou quelqu’un. Le redoutable Pluton, plus fort que n’importe qui, semble cumuler les talents les plus incroyables : il se téléporte, possède une force surnaturelle, ses ongles sont plus acérés que des couteaux, et il n’est même pas certain qu’il soit mortel…
La Pieuvre est dirigée par quatre personnages redoutables, tous liés à un des cinq sens : le Nez, l’Oreille, l’Œil et le plus mystérieux des quatre, celui qui donne les ordres : la Bouche. Attention, personne ne menace la Pieuvre sans en payer le prix.
Fannie la Renoueuse © Delcourt
Les trois premiers volumes des Contes de la Pieuvre peuvent se lire dans n’importe quel ordre, sans le moindre problème de compréhension. C’est moins vrai, et franchement pas recommandé pour ce quatrième livre : la lecture de Fannie est plus riche quand on connaît déjà les péripéties que les personnages ont traversées dans les autres tomes, particulièrement les 2 et 3. On verra donc l’évolution de Zélie, qui depuis sa capture par la Bête, est restée mutique ; le curieux destin de Pluton, et pourquoi ce surnom ne lui convient plus du tout ; et on en apprendra beaucoup sur la Bouche, le porte-voix de la Pieuvre.
Du « talent », Gess n’en manque pas : c’est un « Raconteur ». Il n’a pas son pareil pour rendre captivants ses récits, parvenant à mêler aux scènes d’action les plus palpitantes des considérations politiques ou philosophies, et une irrésistible poésie, tant graphique que narrative.
Si bien qu’il s’adresse tout autant aux tripes, au cœur, à l’œil et au cerveau du lecteur, de la lectrice. Tout cela, dans des éditions ultra-soignées, ce qui est perceptible dès les couvertures avec dos toilé, titres embossés, dorure à froid et vernis sélectifs. Rien n’est trop beau pour enluminer cette série prodigieuse, un des plus incontestables chefs-d’œuvre du catalogue Delcourt.