Un récit un peu lent à démarrer mais qui gagne en épaisseur au fil des pages, montrant l’horreur de la guerre sur le terrain pendant qu’un général russe déplace les pièces de son échiquier militaire, incluant son fils cosmonaute. Glaçant.
Dans un futur proche, et peu rassurant dans le contexte actuel, un conflit oppose la Russie à l’OTAN. Les « gentils » sont les Russes, agressés par les Occidentaux. Ce choix n’est pas surprenant car l’auteur de la nouvelle ici adaptée est le Chinois Liu Cixin, dont le pays est depuis de nombreuses années l’allié objectif de la Russie. Le lecteur averti ne sera pas naïf et saura faire la part des choses, d’autant plus que le propos de la BD est de dénoncer la guerre en elle-même. Cela dit, les Américains sont ici les salauds et les Français la jouent perso, ce qui peut choquer. D’autant plus que l’adaptation est l’œuvre d’un Serbe, Marko Stojanovic, et d’un dessinateur bosniaque, Maza, qui pourraient plutôt être inquiets de l’ombre grandissante de l’ex « grand frère » russe.

Les futurs de Liu Cixin : Brouillage intégral
©Delcourt, 2023
L’histoire est toutefois plus subtile qu’un basique affrontement entre « méchants » et « gentils ». C’est une guerre qui dure (de pair avec quelques longueurs). On voit des blessés ensanglantés, de la souffrance, des morts. Le général russe au centre du récit décide de désorganiser les forces ennemies en brouillant les ondes. Son fils est le dernier cosmonaute d’une station orbitale un peu vaine dans ce conflit. La fiancée du fils est une militaire sous les ordres du général. Une jeune femme va-t-en-guerre. Un peu comme Lin Yin vue dans L’attraction de la foudre. On retrouve le thème cher à Liu Cixin du mariage entre science et guerre. Des flash-backs nuisent parfois à la fluidité de la lecture mais éclairent la relation père-fils-fiancée, apportant de l’épaisseur au récit.
Maza est très à l’aise avec l’univers graphique de la guerre, sanglante, nouant le ventre quand elle est terrestre, mais devenant presque lyrique quand elle est aérienne. Et sa station orbitale est bluffante. Son dessin réaliste fait mouche pour les éléments techniques comme pour les personnages, qui ont du caractère.
Inquiétant.