« C’est l’histoire d’une bande de pirates qui partirent à leur corps défendant chercher un livre qui n’existait pas, pour sauver un univers à l’agonie dont personne n’avait plus rien à foutre. »
Pardon pour la citation qui tient lieu de spoiler, mais elle a tout d’une note d’intention. Et pourtant... ! Baroque, absconse, merveilleuse et fascinante, telle est l’œuvre de Philippe Druillet. Ce graphiste de génie et pionnier de la space dark fantasy a fait exploser les limites de la bande dessinée, avec des compositions grandioses où la recherche d’effets visuels spectaculaires et inspirants l’emporte sur le souci de plausibilité et même de lisibilité. Ouvrir un livre de Philippe Druillet est une expérience plus proche de la visite d’un musée halluciné que de la lecture, tant l’histoire passe au second plan à cause du choc esthétique. Lone Sloane, son personnage le plus récurrent, est un néo-terrien aux yeux rouges. Devenu quasi-divin au fil de ses aventures, il sillonne l’univers à bord de son vaisseau légendaire, le Ô Sidarta, et affronte différents tyrans et démons, dont son éternel rival, Shaan le maudit.
Si la place nous manque pour célébrer le génie de Druillet, l’idée d’une reprise de Lone Sloane nous semblait pour le moins audacieuse (se glisser dans le sillage de Druillet, quoi de plus casse-gueule ?) pour ne pas dire blasphématoire (ajouter un épisode à Lone Sloane, pour quoi faire !?). Mais voilà Babel, un délire post-Druillet convaincant sur le plan visuel (c’est à s’y méprendre) mais souffrant d’un livret si amphigourique qu’il en devient soporifique. Un exemple ? Au lieu d’un simple « C’est ton destin », le scénariste écrit « Bientôt, cette nécessité étrange qui ordonne aux développements des mille et une vies t’ayant mené jusqu’ici, couronnera d’un point final le roman de tous tes efforts ». Visuellement fidèle, mais pas enthousiasmant.
Article publié dans le magazine Zoo n°73 (Septembre-Octobre)