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Marshal Bass - T11 : Putain de fric

couverture de l'album Putain de fric

Série : Marshal BassTome : 11/11Éditeur : Delcourt

Dessin : Darko MacanAuteur : Coloriste : Nikola VitkovicTraducteur : Fanny Thuillier

Collection : Néopolis

Genres : Aventure, Science-Fiction, Western

Public : À partir de 12 ans

Prix : 15.50€

  • ZOO
    note Zoo5.0

    Scénario

    5.0

    Dessin

    5.0
  • Lecteurs
    note lecteurs
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Pour 500 dollars, tu n’as plus rien

River Bass a beau être Marshal, la vie n’en est pas moins ingrate pour sa famille et lui. Cependant, l’homme est fier et buté, il refuse de se plier aux conseils de sa femme et finit par se laisser avoir par un coup foireux de trop…

L’Ouest sauvage, la loi de la jungle, loin du tableau idyllique brossé par des décennies de films hollywoodiens qui défendaient l’idéal héroïque et désintéressé d’une poignée de bons samaritains bien coiffés, le foulard au vent et l’éperon brillant. Darko Macan et Igor Kordey s’éloignent sciemment de cette imagerie d’Épinal forte de beaux principes pour nous plonger au cœur d’un pays rustre et boueux, dans les traces d’un marshal de couleur qui subit de plein fouet le mépris blanc et l’amertume des siens.

River Bass n’est pourtant pas de ceux qui se complaisent dans un rôle de victime. Il a son caractère, le monsieur, et pas mal de défauts qui y restent collés. Et le pire reste peut-être cette fierté handicapante qui l’éloigne de sa famille et lui fait parfois prendre des décisions stupides, comme de suivre cette fripouille de Turtle et son plan douteux « On f’rait comme si je t’avais capturé, hein, et je te livrerais à la veuve DeFoe. Après, t’aurais juste à t’échapper et on partagerait la prime de 5000 dollars… » N’importe qui aurait pu éventuellement douter de la fiabilité de cette « excellente » affaire, mais River, qui vient de refuser d’aider sa femme, est prêt à se laisser tenter, même par la pire des arnaques, sans sourciller, peut-être juste par principe…

Putain de fric

Putain de fric © Delcourt

L’anti même pas héros

Passé maître dans l’art de brosser des portraits anti-conventionnels, le scénariste Darko Macan n’a pas son pareil pour nous plonger dans un univers dénué de toute forme de manichéisme. Rien n’est lisse dans ce western rude et violent, les gentils n’en ont jamais vraiment été, ils doivent sans cesse composer avec la rugueuse réalité de la vie dans l’Ouest sauvage, avec son lot de compromis, parfois cruels, parfois humiliants, mais toujours éloignés des espoirs d’une existence tranquille. Et River Bass en est le parfait exemple dans cet album qui s’éloigne des histoires de justice, de droiture, d’honneur.

Le marshal n’est plus ce fin limier irréprochable, c’est un homme obstiné, qui néglige inlassablement sa famille, sans daigner lui témoigner la moindre affection. Il écarte du plat de la main sa femme qui vient lui demander de l’aide sa femme qui lui propose de l’aider pour se retrouver dans un plan foireux pour grappiller des dollars.

Macan ne se concentre toutefois pas uniquement sur les déboires alcooliques du mari, il explore les motivations de Bathsheba, sa femme et ses enfants qui doivent eux aussi, malgré tout, survivre, quitte à se laisser tenter par l’illicite, à leur tour. Une nouvelle fois, la femme a plus de personnalité, plus de complexité que son homme. Les bras chargés d’enfants, elle affronte, avec la complicité de ses plus grandes, cette réalité sans compromis ou rien n’est gagné d’avance, ou l’on ne ressort jamais vraiment intact des épreuves qui se dressent devant nous. Elle est définitivement l’héroïne de la série, dans l’ombre tremblotante de River. Elle symbolise la force, le caractère, la volonté, l’imperturbable menton levé devant l’adversité et le mépris affiché face à sa couleur de peau.

À contre-courant

Marshal Bass n’est décidément pas une série classique, pleine d’archétypes, chaque album s’articule autour d’un récit auto-contenu, qui met en scène l’évolution d’un personnage noyé dans un univers délétère. Les ambiances sont âpres, la communauté noire cohabite tant bien que mal avec les blancs et personne n’en ressort meilleur que l’autre. Et même si l’on peut croire que Macan pourrait s’enliser dans les idées reçues, en nous ressortant des histoires fleurant bon l’anti-racisme de convenance, on découvre vite une écriture sans fioriture, ce sens des détails, des dialogues et de la caractérisation dont il a le secret.

On ne sait jamais vraiment où le récit va nous entraîner, ni quels rebondissements nous attendent au détour d’une page. C’est ce qui en fait justement une série hors norme, à la lecture presque addictive.

Et Igor Kordey ?

Mais n’oublions pas la virtuosité graphique d’Igor Kordey qui démontre, une nouvelle fois, son exceptionnelle maestria. Chaque planche, chaque cadrage est extrêmement pensé et d’une très grande précision. Elles apportent un regard très fort sur l’histoire, sur le rapport qui se construit entre les uns et les autres, sur les expressions et les ambiances particulièrement contrastées qui forcent l’admiration. Du très beau travail.

Marshal Bass reste avant tout une série incontournable, l’une de celles qui marquent un genre, qui en dépassent les limites.

Incontournable, tout simplement.

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