Un an et demi après sa Renaissance, Métal Hurlant a bel et bien trouvé sa vitesse de croisière, alternant numéros patrimoniaux et numéros avec du matériel 100 % inédit. Aujourd’hui, Métal est-il toujours Rock ? Avec ce sixième volume, nous revenons à des histoires qui ont fait partie de la légende de Métal, à l’âge d’Or de la revue.
Au sommaire…
En vrac, Polonius de Tardi et Picaret, Phantasme et Phasm de Marc Caro, L'Univers est bien petit de Moebius, L'Esprit du jeu d'Alias (Claude Lacroix), Blue Arrow de Rodolphe et Eberoni, Machine célibataire de Jean-Michel Nicollet, Le Camping rouge de Manœuvre et Luc Cornillon, Sanguine de Caza, Nid d'espion à Alpha plage de Serge Clerc, London Girl de Kent Hutchinson, Jules l'Éclair de Dionnet et Mandryka, Rock ma banlieue de Tramber et Jano, 17, rue Monsigny de Paul Gillon, Kamikaze Electrik de Beb Deum, l'imposant Paradis 9, un curieux cadavre exquis SF rassemblant la crème des auteurs maison, Gail de Druillet, L'esclavage c'est la liberté de Chantal Monteller, Rickie Banlieue et ses Riverains de Margerin, Scalpel Rock de Dodo, Jano, Tramber, Ben Radis et Margerin et enfin Le Tailleur de brume de Luc et François Schuitten.
Sans oublier les articles/dossiers : Claude Ecken nous raconte l'arrivée de Philippe Manœuvre dans un copieux article de 11 pages. Nicolas Labarre évoque la version américaine Heavy Metal. Puis une longue interview de Serge Clerc, sur 26 pages et un copieux entretien avec les deux ex-maquettistes de Métal, Charles Buxin et Pascal Guichard.
La couverture du 6e numéro © Humanoïdes Associés
Extraction archéologique programmée
Avec ce type de numéro, on prend complètement conscience de l'impact que cette revue a pu avoir de son temps, l’audace de cette jeune équipe qui marqua à jamais l’histoire de la bande dessinée, affrontant la grosse machine Franco-belge, contre vents et marées. Devant nous se dessine alors un changement radical qui va vite inspirer d’une part les États-Unis qui ne vont pas tarder à lancer leur propre version Heavy Metal, mais surtout tout ce qui va toucher de près ou de loin à la pop culture, la SF etc.
Alors, vous me direz, finalement, Métal rabâche ses acquis en sortant de la naphtaline ses vieux ossements, nous proposant une sorte de musée des maîtres, une visite guidée dans le sacro-saint temple des lumières. C’est un peu ça, c’est vrai, toutefois, dans une époque où finalement, la mémoire redevient un genre en soi, adressée peut-être plus à un lectorat de tatoués portant fièrement leur T-shirt « J’y étais », il apparaît important, voire même vital de perpétuer d’une part le souvenir d’une énergie foisonnante qui a réellement tout changé, qu’un jour, un groupe de mauvais élèves ont bricolé ce renouveau, mais aussi d’amener l’idée que rien n’est finalement gravé dans le marbre.
Contextualisation, réhabilitation
Dans son contenu rédactionnel, ce volume est le parfait exemple d’une volonté des Humano de remettre les choses à leur place. Ainsi, après être revenu sur la reprise en main de Philippe Manœuvre et la dynamique qu’il amena avec lui, on s’attarde sur l’aventure américaine et sur le fait que l’équivalent US a assez vite voulu s’émanciper du modèle frenchy pour se faire le miroir d’une scène locale très riche, démontrant, au passage, une constance exemplaire au fil des décennies.
Mais ce qui m’a personnellement beaucoup plu, c’est cette volonté d'élargir le propos en dépassant le cadre des auteurs, comme avec l'excellente interview croisée de Charles Buxin et Pascal Guichard qui ont repris la maquette de Métal après la période de Robial. Il y a une vraie valeur ajoutée à évoquer ces coulisses, d’insister sur un aspect assez mal connu des lecteurs, celui des « fabricants ». Parce que oui, une revue du calibre de Métal c’est certes Mœbius, Caza, Druillet et tous les autres, mais c’est aussi une identité graphique, un travail sur la forme, les maquettes, perpétuer un esprit, une imagerie à l'identité très forte.
Polonius © Humanoïdes Associés
Je t’aime, moi non plus…
Il y a dorénavant les pour et les contre cette refonte qui ne s’est pas contentée de reprendre à la lettre l’ancienne formule et qui a absolument voulu tracer sa propre route, en marge. On a peut-être perdu ce côté « roue libre », borderline, « Rock ‘n Roll » dirons-nous, mais on peut aussi prendre cette reprise comme une sorte de passerelle entre le glorieux passé et l’avenir à découvrir.
Si Métal Hurlant ne cesse de renaître de ses cendres, de continuer de hanter les couloirs d’un media qui peut avoir parfois des tendances à s’embourgeoiser, c’est peut-être un peu pour notre propre bien, après tout…
Le vilain spacio-canard n’a pas fini de nous étonner.