La mer pour décor. Un homme que l'esprit de vengeance a rendu fou. Un monstrueux cachalot tueur d'hommes. Chabouté s'attaque au mythe de Moby Dick et adapte ce classique de la littérature du XIXe siècle de façon assez fidèle, porté par le trait dur et sombre qu'on lui connaît.
Ismaël embarque à bord d'un baleinier accompagné de Queequeg, cannibale mais néanmoins harponneur émérite. Un mystère semble entourer le capitaine du bateau, Achab, qui finit par dévoiler à l'équipage sa jambe de bois en même temps que sa farouche envie de réduire le fameux cachalot blanc Moby Dick à l'état de sardine en boîte. Quitte à ne plus dédier sa vie qu'à ce but, et entraîner ses hommes dans sa folie dangereuse.
Ce premier tome met l'histoire en place, de la rencontre entre Ismaël et Queequeg à terre, à la première scène, épique, de chasse à la baleine. Moby Dick n'est pour l'instant qu'une menace sous-jacente et l'obsession délirante du capitaine esquissée. Chabouté ne s'éloigne que très peu du roman original et en donne une lecture plutôt classique.
On retrouve le noir et blanc rugueux caractéristique de l'auteur, qui sied parfaitement à l'ambiance lourde du récit. L'apparence un peu figée des visages atténue cependant l'expression de leur personnalité. C'est particulièrement vrai pour Achab, qui ressemble plus à un papy cinglé qu'à l'homme sombre et torturé décrit dans le roman.
Chabouté excelle en revanche dans les descriptions, que ce soit sur le port ou en mer. Les bateaux et les scènes d'intérieur bénéficient d'une forte densité de détails et de la force de ses noirs. Les scènes d'action, comme celle de la chasse à la baleine, sont mises en valeur par une succession de cases muettes qui en facilite le déroulé, ainsi que l'immersion du lecteur.
La technique de Chabouté alliée à des talents de conteur hors pair fonctionne donc toujours aussi bien.