De retour au campement des naufragés de Morne-au-Diable après une expédition qui a viré au fiasco pour Lady Darksee, Raven doit désormais ruser entre pirates et naufragés pour quitter l’île maudite. Et le temps presse : les cannibales locaux se rapprochent du campement d’heure en heure…
En général, les séries commencent mieux qu’elles ne terminent. La faute à une inspiration très fertile dans ses débuts puis qui s’assèche au fur et à mesure que l’histoire s’allonge… Mathieu Lauffray, le dessinateur de Prophet et Long John Silver, fait mentir cet adage en terminant la trilogie Raven sur (possiblement) l’un de ses meilleurs albums. Librement adapté d’une nouvelle de Robert E.Howard, Black Vulmea’s Vengeance, le récit graphique qu’est Raven arrête de prendre des pincettes sur l’intrigue et prend enfin son envol… Et sur plus de 80 pages, s’il vous plaît !
Le récit graphique qu’est Raven arrête de prendre des pincettes sur l’intrigue et prend enfin son envol © Raven, T.3, Furies - Dargaud
Le corbeau tient enfin son langage
Car Raven devient enfin un plaisir… de lecture ! Il faut le dire, si les deux premiers tomes peuvent faire soupirer le lecteur sur l’écriture (souvent infantilisante quand elle ne paraphrase pas le dessin), il est réjouissant de voir ce troisième tome gagner en sobriété et maturité dans les dialogues. Un véritable changement de ton s’opère sur cette conclusion… et c’est un vrai bonheur ! On sent les personnages fatigués, à bout, terrifiés, cyniques et mortifères. Celà se ressent par la brutalité de certains dialogues ou des situations. Le personnage d'Anne, notamment, gagne enfin en densité en tenant tête à la dégradation progressive des évènements. Bref… Mathieu Lauffray donne enfin l’impression de raconter une histoire de pirates ! Des vrais… pas ceux de Disney.
On sent les personnages fatigués, à bout, terrifiés, cyniques et mortifères ©Raven, T. 3, Furies - Dargaud
Ancre, mer et ciel
Et si le langage a enfin acquis une maturité, le graphisme s’y est adapté ! Vous vous souvenez des (très belles) couleurs chatoyantes des deux précédents tomes ? Oubliez-les ! Les teintes de ce troisième tome sont désaturées, grises et froides. Par ce choix chromatique, une simple scène avec une ancre transportée sur une barque devient un moment de calme mélancolique mais ténu… Mathieu Lauffray est certes un dessinateur exceptionnel, mais c’est surtout un peintre exceptionnel ! Les couleurs sont magnifiques et rappellent les visions d’apocalypse de Propheten termes de froide démesure. On arrive même à voir la texture granuleuse du papier sur lequel le dessinateur travaille… On regretterait presque de ne pas pouvoir le toucher !