Morvan traite une utopie spectaculaire du XIXè siècle avec le dessinateur qui convient : place à l’architecture qui en jette ! Le côté feuilletonesque dans le Paris des malfrats a son charme, mais on attend le tome 2 pour voir où veulent nous emmener les auteurs.
On oscille entre 1864, quand l’héroïne Glannes est une jeune voleuse des rues, et 1883, quand elle est devenue tenancière d’un bordel plus ou moins utopiste. Entre-temps, la petite parisienne a vécu dans le Nord de la France (l’Aisne) au sein d’un « familistère », lieu privilégié de vie et de services (crèche, école, magasins, théâtre…) pour les 1700 ouvriers et employés de l’usine de poêles du riche Jean-Baptiste Godin.
Jean-David Morvan s’est inspiré d’une histoire réelle. La réalisation de Godin était spectaculaire. Le dossier de huit pages en fin d’album la décrit précisément. Mais le scénariste n’a pas cherché à faire une BD historique pour autant. Il a imaginé la vie de Glannes, qui est retournée à Paris pour créer une structure humaniste comparable parmi les prostituées, mendiants, voleurs et autres margoulins.
Mais la fiction est moins marquante que la réalité : il existe une certaine solidarité dans le « milieu » aussi la réalisation de Glannes ne semble finalement pas très originale aux yeux du lecteur. Restent des personnages bien campés, attachants ou détestables (le fils de Godin est un infâme). Le savoir-faire de Morvan est là.

Rue de la Grande Truanderie Vol. 01/2 - Une enfance au Familistère © Grand Angle
On retiendra surtout de cet album le dessin de Romain Rousseaux Perin. Architecte de formation, il se donne à cœur de joie pour nous offrir des vues aériennes de Paris impressionnantes et bien sûr des vues du familistère sous différents angles. Il n’est pas en reste dans les séquences se passant dans la maison close, qu’il travaille dans les moindres détails. Les couleurs sont de Hiroyuki Ooshima, habituel comparse de Morvan, qui aime jouer avec sa palette pour créer les ambiances, alternant ici entre le brun.
Au-delà du dessin, le côté feuilleton à l’ancienne, dans lequel intervient même un mentaliste, fait attendre le tome 2 du diptyque pour découvrir où vont nous emmener les auteurs pour conclure cette histoire.