Pendant qu’un monde s’écroule suite au tremblement de terre de San Francisco, le petit théâtre des désirs humains se poursuit, dérisoire et violent. Une tragédie sensuelle mais un peu chaotique, exacerbée par le dessin écorché de Meddour.
Damien Mariea choisi pour cadre de ce diptyque le terrible tremblement de terre de San Francisco de 1906. L’implacable général Funston applique une quasi loi martiale, soi-disant pour préserver la ville des pillards ; un remède pire que le mal ? Le militaire est par ailleurs infidèle et corrompu. Sa maîtresse a exigé de lui un tableau de Klimt représentant l’héroïne biblique Judith, s’il veut continuer à bénéficier de ses faveurs. La mafia locale est prête à lui procurer l’œuvre en échange de l'immunité pour ses activités criminelles. Mais les triades chinoises ont aussi leur mot à dire.
A tous ces ingrédients, le scénariste a ajouté une jeune femme de chambre se retrouvant par hasard en possession de cette peinture tant convoitée. Victime des hommes comme du déchaînement de la nature, elle traverse dans un état de sidération la ville avec le tableau sous le bras pour s’en débarrasser. Ballotée par les événements, elle tente de trouver sa voie dans cette histoire chaotique.
San Francisco 1906, T.2 : La part du feu © Grand Angle, 2024
L’ambiance de panique qui suit le tremblement de terre est bien rendue. Le dessin à l’aquarelle de Fabrice Meddour se fait particulièrement vaporeux. Les teintes brunes du tome 1 se sont transformées en un bleu-vert fantomatique. C’est l’enfer : les morts, les pillages, la désorganisation, les pompiers qui ne savent plus où donner de la tête. Dans cette ambiance de fin du monde, la folie gagne de plus en plus de personnages, Funston en tête. Peut-être la partie la moins crédible du récit.
A plusieurs reprises, des flash-backs nous font découvrir Klimt en 1904, dans les affres de la création avec sa modèle Eva. Il n’arrive pas à représenter SA Judith. Ces séquences qui semblent un peu hors propos détiennent peut-être la clé de l’histoire. Ne peut-elle se conclure que dans la tragédie, comme celle de Judith 2700 ans plus tôt ? On referme l’album un peu troublé même si le voyage valait le détour.