A la fois western slave et constat des conséquences de l’effondrement du soviétisme, les personnages se débattent dans un nouveau monde dont les règles sont truquées. Cette comédie dramatique est une totale réussite jusqu’au bout.
Nous retrouvons dans ce dernier volet du triptyque les personnages savoureux qui en font tout le sel. S’il s’agissait d’un film, on pourrait dire que le vieux Volodia crève l’écran. Le personnage est toujours aussi drôle et charismatique, malgré ses malaises cardiaques. Sa fille Nina jette toute son énergie dans la sauvegarde de la mine, à la recherche de nouveaux clients que le mafieux Morkhov décourage au fur et à mesure. Slava aide sa conjointe en devenant ouvrier à la mine, l’occasion de savoureux dialogues avec un certain Kostia, qui le forme au métier de mécano. Lavria, ancien comparse de Slava, vit sa vie de son côté : il est devenu un habitué des plateaux télé, son bagout y faisant sensation.
Slava - Un enfer pour un autre © Dargaud
Mais avec Pierre-Henry Gomont, la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Nina pousse Slava à montrer les peintures que sa nouvelle vie d’ouvrier lui a inspirées. L’occasion pour l’auteur pour parler du marché de l’art, ici animé par des oligarques russes moins intéressés par la peinture que par le paraître. Lavria, lui, sombre dans la déprime après une esclandre. La fortune ne rend pas heureux. Derrière la comédie menée de main de maître, la tragédie commence à poindre.
Le dessin privilégie l’expressivité et le mouvement avant tout. Pour les scènes d’action, on se dit même que l’artiste doit travailler sous caféine ! Le lecteur peut passer du temps à admirer les pages sans lire les textes. Mais ce serait bien dommage de faire une croix sur ces derniers car les dialogues sont percutants et les textes narratifs apportent une petite musique bien agréable. Les onomatopées, souvent en alphabet cyrillique, s’inscrivent bien dans le paysage.
Dans la seconde moitié de l’album, le récit se fait plus grave. Comme si après le temps de l’aventure et de l’espoir, la puissance du monde de l’argent reprenait définitivement ses droits. Ce n’est plus un « eastern », c’est la fin des illusions. Gomont conclut sa trilogie sans fausse note.