Sœur Marie-Thérèse, la nonne la plus musclée et tapageuse de la bande dessinée, après être morte et ressuscitée par le Très-Haut dans le sixième tome, revient enfin distribuer les bourre-pifs ici-bas.
Planche de Julien Solé
(Visuel non définitif)
Dix ans, presque onze ! La publication du tome précédent des aventures de Sœur Marie-Thérèse des Batignolles remonte à octobre 2008. Une éternité ! Un baobab aurait-il poussé dans la main jadis besogneuse de son auteur ? Ou bien est-ce par cruauté qu’un si long délai a été imposé aux fidèles ? Hélas non : si Maëster, pilier de Fluide Glacial, caricaturiste virtuose, génie du calembour et fin analyste de l’actualité, a mis tant de temps à produire ce nouvel opus qu’on avait fini par cesser d’espérer, c’est parce qu’il a été empêché. « Il a failly y pacher... Il a fait oune hémorradjie chérébrale... oune abéché ! », résume son Jésus portugais en préface du nouvel opus enfin paru. Car oui, hosannah, alléluia et toutes ces sortes de choses, Maëster, à défaut d’être miraculé, a trouvé en Julien Solé un comparse amical venu lui donner un coup de main et de crayon, l’aider à avancer après l’AVC et enfin achever le tome en cours.
Nonnes pasaran !
Or doncques. Dans le précédent chapitre, Sœur Marie-Thérèse s’en était assez prise à différents empêcheurs de picoler ou de fumer en paix : les représentants de la multinationale Santos-Dumont, leader mondial de la biotechnologie agricole, avaient commis le péché suprême en saccageant ses cultures beuh-taniques pour y planter des OGM. D’où l’ire de la sœur en délire, et la multiplication messianique des pains (dans la tronche). Pour les détails, relisez le tome 6. Mais alors qu’après ces éprouvantes aventures, la « guère Sainte » se reposait dans sa cellule (monastique), voilà qu’un commando de gendarmerie entend l’y enfermer, en cellule, préventive celle-là, dans l’attente de son procès pour saccage des propriétés et employés de Santos-Dumont. Cette fois, pour sauver Marie-Thérèse, il faudrait un sauveur ! Allez Jésus, te fais pas prier, reviens !
Genèse 1:3
Apparue dans Fluide Glacial en 1982, Sœur Marie-Thérèse des Batignolles est une religieuse singulière. Amatrice de paradis perdus ou artificiels, grande buveuse de vin et pas seulement les jours de messe, si elle a épousé Jésus, ce n’est pas pour faire abstinence. Cauchemar de sa mère supérieure, dont elle est la tête de Turc, mieux vaut ne pas la contrarier, car ses réponses dans un langage fleuri à la Audiard incluent souvent moult baffes et uppercuts. Elle est une sorte d’Obélix femelle en robe de bure, crucifix et chaussures à crampons.
Planche de Mäster (visuel non définitif)
Le mélange de chronique sociale pleine de bon sens, de comique absurde et d’anticléricalisme rigolard devient rapidement un des rendez-vous mensuels les plus attendus des lecteurs du magazine d’Umour et Bandessinées. Cinq albums paraissent chez Fluide Glacial, en noir et blanc, de 1989 à 2001. Des divergences quant à l’orientation et l’esprit du magazine conduisent Maëster à le quitter pour rejoindre l’équipe de L’Écho des Savanes... pile au moment où Albin Michel cède son activité BD aux éditions Glénat. C’est donc chez Glénat et désormais en couleurs (y compris pour les rééditions des tomes 1 à 5) que la Sœur continue ses aventures directement en album.
Grande expo à Quai des Bulles
La parution de ce septième tome fournit l’occasion idéale à l’équipe du festival Quai des Bulles de Saint-Malo pour programmer une grande exposition rétrospective consacrée à la nonne de choc. Le public pourra apprécier le travail comique réalisé dans chaque vignette. Car il faut toujours plusieurs lectures pour saisir pleinement les albums de Sœur Marie-Thérèse : une première pour l’aventure à proprement parler, d’autres pour observer les arrière-plans truffés de gags en tous genres. Elle ne sera peut-être jamais béatifiée, mais en attendant la canonisation, c’est déjà la consécration !
Article publié dans le magazine Zoo n°73 (Septembre-Octobre)
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