Quelle que soit la version que l’on nous propose, Le Lotus Bleu se laisse dévorer, tant l’œuvre est maîtresse. Cette fois, il s’agit de la mise en couleur (numérique) de la version initiale publiée il y a 90 ans. A quand une édition en fac-similé des originaux ?
Après avoir colorisé (à l’ordinateur) les premières versions dessinées des quatre premiers tomes de Tintin, Casterman nous propose sur le même principe les 124 planches dessinées par Hergé en 1934-35 du mythique album Le Lotus Bleu.

Album Les Aventures de Tintin T5 - Le Lotus bleu EO colorisé © Casterman
Hergé préparait en 1946, à la demande de Casterman, une nouvelle version du Lotus Bleu, en couleur plus dense, en 62 pages, celle que tout le monde connaît aujourd’hui. Il a redessiné, avec l'aide de E.P. Jacobs, seulement les premières pages de ces aventures de Tintin en Extrêe-Orient, contrairement aux Cigares du pharaon qu’Hergé avait redessiné entièrement. Il devait estimer que son dessin avait progressé entre les deux albums et qu’il était inutile de cette fois tout refaire. L'intérêt de cette version colorisée est donc a priori moindre que pour les tomes précédents.
Sauf que voir la composition initiale des planches est intéressant (les chutes en bas de page ne sont pas les mêmes, ce qui change le rythme de lecture), que le copieux dossier introduisant le livre est bien documenté et richement illustré, que le choix du dessin de couverture est quand même bien sympa. Et cette nouvelle édition donne l’occasion relire cette histoire mythique fondée sur la réalité géopolitique d'alors et nourrie par les échanges d'Hergé avec Tchang Tchong-Jen. Ce dernier a lui-même calligraphié toutes les inscriptions en chinois qui émaillent l'album. Hergé avait aussi appris de Tchang une nouvelle approche de représenter la végétation. On le voit par exemple sur les planches 18 et 31.
Revenons sur le dossier introductif. Des reproductions de cases extraites des planches originales y sont proposées. Hergé les avait rehaussées d'un lavis bleu du plus bel effet. On se prend à rêver qu’une version en fac-similé de ces planches soit éditée. Mais il faudrait que Nick Rodwell, qui gère les droits, donne son aval.
Monsieur Rodwell, si vous nous lisez, soyez convaincu qu'Hergé aurait accepté ce projet sans doute plus sûrement que celui d'une mise en couleur d'une version ancienne de ses planches, pensées initialement pour une édition en noir et blanc.