Pierre Christin brasse avec aisance ses thèmes récurrents, assurant le service pour ses lecteurs qui seront heureux de le retrouver en forme sur la série. Ils apprécieront aussi le style et la maîtrise graphique de Virginie Augustin, s’appropriant l’univers sans pour autant « faire du Mézières ».
La série mère s’est conclue en 2010 par un ultime album de Christin et Mézières, L’OuvreTemps (tome 21). Pirouette finale, Valérian et Laureline se retrouvaient enfants, sur la terre du début du XXIe siècle. Les aventures de nos deux héros ont marqué le genre en brillant de mille feux intersidéraux dans les années 70, puis en étant plus sociétales et géopolitiques dans les années 80. Visiblement motivé par la perspective de collaborer avec la très talentueuse Virginie Augustin, Christin a repris du poil de la bête. Et si cet opus paraît dans la collection « Valérian vu par », il aurait pu être le tome 22.
L’opium du peuple de demain : les séries
On retrouve Valérian et Laureline sur les bancs de l’école, vivant chez Monsieur Albert (un des personnages préférés de Christin), devenu leur tuteur. Point Central va faire appel à leurs talents pour couvrir une vente aux enchères de nodules métalloïdes très convoités. L’enjeu est de taille : pouvoir continuer à produire des scénarios lénifiants pour les séries destinées aux masses. On reconnaît bien là l’ironie de Christin et son intérêt pour la manipulation des esprits par les médias. La science-fiction est une manière de parler du monde d’aujourd’hui !
Là où naissent les histoires © Dargaud, 2022
Retour sur terre
Gageons que Christin a pas mal échangé avec Virginie Augustin avant de débuter son scénario, comme il le fait toujours avec ses dessinateurs pour s'adapter à leurs envies. Le résultat est un Valérian dans l’esprit du diptyque Châtelet/Brooklyn. À défaut de surprendre vraiment, l’intrigue se lit avec plaisir. Mézières a ouvert la voie il y a plus de 50 ans à une SF d’une richesse visuelle incroyable. Si le présent scénario n’offre que peu d’occasions à la dessinatrice de représenter d’autres mondes, il lui permet quand même de montrer une course en voiture volante, des vues crépusculaires sur une planète-décharge, ainsi que les Delphes, robots humanoïdes évolués que la dessinatrice a brossés avec une fluidité époustouflante. Et on se console dans les nombreuses séquences sur Terre en profitant du dépaysement offert par le Caucase où se joue une partie de l’intrigue. Cela dit, même les scènes dans le quelconque quartier de banlieue de Monsieur Albert sont d’une grande beauté graphique.
Était-ce un dernier tour de piste de Christin sur Valérian, ou nous réserve-t-il des surprises ? Suspense spatio-temporel...
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