Avec Les morts ont tous la même peau, Jean-David Morvan illustre une fois de plus avec brio un polar noir de Boris Vian, alias Vernon Sullivan. On y suit Dan Parker, un blanc complexé par ses origines noires, qui va peu à peu chavirer dans la folie.
Dan Parker est un dur à cuire, un videur de boîtes qui prend plaisir à casser des gueules et qui se vautre volontiers dans le stupre et la fornication. Quand un jour son demi-frère noir, Richard, vient lui emprunter de l’argent, son identité explose en mille morceaux. Commence alors une descente aux enfers d’où il ne reviendra jamais.
Dans ce polar très sombre, la violence est omniprésente, avec cette dimension sexuelle et interraciale qui semblait être au cœur des questionnements de Boris Vian. On entre brutalement dans la folie d’un homme qui est intimement persuadé d’être une fraude à lui-même, en pleine crise identitaire.
Terrorisé qu’on découvre son secret, il se lance dans une fuite en avant traversée de pulsions incontrôlées où la couleur de peau devient essentielle à ses yeux. Fuite qui le conduit à l’irréparable. L’avant-propos détaille bien comment et pourquoi cette œuvre a une relation étroite avec J’irai cracher sur vos tombes, qui avait fait scandale à l’époque.
Le dessin est très réaliste, avec un graphisme taillé pour l’action et des fresques chargé d’animalité et de violence. Les couleurs pâlottes donnent aux personnages le teint blême, voire blafard, l’ensemble s’accordant parfaitement avec l’atmosphère sinistre.
Jean-David Morvan s’empare pleinement de l’histoire ténébreuse de Dan et nous la livre crûment, sans ménagement. Puissant, direct et sans réel espoir, ce récit angoissant et dément laisse le lecteur estomaqué. Un hommage graphique à Vian qui vaut le détour mais seulement pour les lecteurs avertis.