Conte d’horreur avec une dose de fantastique, Les yeux perdus remplit tout à fait les termes du contrat. Les ressorts sont classiques (dans le genre), mais efficaces, et surtout merveilleusement illustrés par Juan Manuel Tumburus.
Malheur à toi, soldat égaré dans la forêt, si tes pas croisent ceux de deux enfants qui t’invitent dans leur demeure, un orphelinat. Un troisième enfant, étonnamment gras en ces temps de première guerre mondiale, te proposera d’un air affable un bon repas. Tu accepteras, enthousiaste, toi qui as le ventre vide. Tu le paieras chèrement...
La splendide couverture de Les yeux perdus donne le ton de ce récit horrifique : deux enfants assis sur le sol, l’air farouche pour le garçon, résigné pour la fille, sont entourés d’une trentaine de poupées aux yeux vides.
Otto et Ofelia sont les rabatteurs, ils agissent pour le compte de Maurice, fils du couple dirigeant autrefois l’orphelinat. Maurice a des loisirs peu ordinaires : il aime tuer d’un coup de hache bien dosé les soldats qui échouent dans la demeure. Cela lui permet également d’enrichir sa collection d’yeux.
Une fois de plus, des auteurs argentins (parmi lesquels comptons Alberto Breccia, José Muñoz, Quino, Eduardo Risso...) démontrent leur talent.

Les yeux perdus
© Dargaud, 2022
Diego Agrimbau décrit bien cet univers horrifique dans lequel Otto et Ofelia tentent de survivre. La peur suinte des murs de la vieille demeure. Le scénariste maîtrise bien les codes des récits d’horreur. La pédiophobie, la peur des poupées, a souvent été utilisée dans les films d’horreur (Chucky la poupée de sang) ; sans doute moins l’ommatophobie (peur des yeux). Ici, l’heureux lecteur qui aime être effrayé découvrira les deux ressorts utilisés de concert.
Juan Manuel Tumburus déploie un impressionnant talent graphique dans ses planches en couleur directe, à l’image de la couverture. Les sentiments qui animent (ou paralysent) les personnages sont palpables. Et ses poupées sont particulièrement cauchemardesques.
Dans ce one-shot, le rythme va crescendo, jusqu’au coup de théâtre final. A lire en journée, entourés d’amis, et non pas le soir, seul dans une masure isolée !
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