En 1957, en pleine Guerre Froide, une petite chienne russe nommée Laïka entre dans l’Histoire en devenant le premier être vivant de notre planète à aller dans l’espace. Deux années plus tard, les États-Unis y envoient à leur tour deux singes : Able et Baker. Mais la conquête spatiale les a-t-il tués ?
La première conquête spatiale peut évoquer plusieurs choses. Certains y voient une véritable avancée dans l’exploration scientifique et spatiale. D’autres y voient un énième acte de propagande symptomatique de la guerre froide. D’autres, une épopée humaine sans précédent. Et pourtant, les premières victimes de ce chapitre du XXème siècle n’étaient ni astrophysiciens, ni acteurs politiques, ni humains.
La chienne Laïka, le macaque rhésus Able et une petite femelle singe-écureuil nommée Baker sont les premiers êtres vivants terriens à avoir vécu un vol suborbital dans l’espace… mais y ont-ils survécu ?
Jouant sur les questions scientifiques et politiques entourant les morts officielles de ces animaux envoyés hors de notre atmosphère, Jeff Lemire (Animal Man et Black Hammer) et Andrea Sorrentino (Gideon Falls et Le Mythe de l’Ossuaire) imaginent un savoureux thriller alliant complotisme, espionnage et science-fiction autour de ces trois voyageurs du cosmos. Si 2001 l’Odyssée de l’Espace est un récit sur l’Homme et sa place dans l’univers, Primordial en est son pendant animalier.
Attention ! Le récit de Lemire et Sorrentino n’a rien à envier à un délire sous LSD. Le prétexte de l’histoire et le montage visuel des planches pourront laisser le lecteur ou bien dubitatif ou bien halluciné. Mais l’essentiel y est : à savoir l’émotion.
Primordial
© Urban comics, 2022
Pour qui possède un animal de compagnie, certaines pages sont une véritable épreuve pour les glandes lacrymales. Les planches narrant la capture et l’apprivoisement de la petite Laïka sont d’une efficacité émotionnelle très poignante. Le rendu des expressions corporelles et faciales de la chienne est attendrissant de réalisme. Sorrentino a fait le choix judicieux du dot printing et du cell shading pour représenter la jeunesse du canidé et le réalisme photographique fait mouche : on sent une véritable émotion unir Laïka à son maître… Une émotion qui servira de véritable moteur aussi bien à l’histoire qu’à notre besoin de connaître le fin mot de l’histoire.
Et le graphisme n’a rien de figé : il évolue tout au long de la BD, rendant compte d’un changement progressif du temps.
Primordial est une belle histoire de science-fiction qui nous rappelle que les animaux sont pareils aux humains : des êtres doués d’émotions qui transcendent l’espace et le temps.