« Le comics-book c’est violent. Et si c’est violent, c’est donc stupide. » Longtemps, la bande dessinée américaine a pâti de cette double réputation. La violence, l’auteur Daniel Warren Johnson semble adorer ça. Si en plus il peut ajouter des monstres, c’est encore mieux. Ici, il se joue de toutes ces images pour un récit de catch bourré d’amour.
Yua Steelrose est catcheuse. Elle fait face à son plus grand adversaire, Cobrasun. Steelrose défend sa ceinture de championne depuis 9 matchs et compte bien la conserver une dixième fois. D’autant que cette fois, sa fille est là pour le match. Le spectacle peut commencer. Car le catch n’est rien d’autre que de la comédie. N’est-ce pas ? Et il n’y a pas d’être cosmique fan de catch prêt à faire s’affronter les meilleurs combattants de l’univers ?
Pardonnez ce résumé volontairement nébuleux. Il faut vous préserver l’effet « waouh » qui va vous saisir à la lecture de cette série. Le premier épisode va vous retourner. Le deuxième épisode va vous exploser. La série entière va vous faire pleurer. Alors quand un auteur travaille aussi bien l’architecture de son récit, un critique se doit de ne rien divulgâcher.
Do A Power Bomb ! © Éditions Urban Comics, 2023
L'énergie de la pulsion de mort
Alors oui, Do a Power Bomb ! est bien un récit de Daniel Warren Johnson. L’artiste aime la violence pour la mise en scène qu’il peut en faire. Le catch était un support idéal, car cette violence y est factice, illusoire. Comme celle d’une bande dessinée, en fait. Il n’y a peut-être pas de monstre géant dans cette histoire, mais Johnson développe une narration virevoltante pour sublimer ses combats. Les cadrages plongent le lecteur au coeur des matchs, comme aucune caméra ne le permet. L’énergie du trait et de l’encrage galvanisent le lecteur qui devient le premier supporter des héros.
Do a Power Bomb ! © Éditions Urban Comics, 2023
La puissance de la pulsion de vie
Mais rien de tout cela n’est gratuit. Et sous le masque du luchador se cache en fait une double quête d’amour familial. Un homme et une adolescente pour leur épouse et mère. Un père et sa fille, pour l’amour de l’autre. Comme par pudeur, Daniel Warren Johnson livre un récit grandguignolesque pour mieux venir toucher le lecteur au cœur.
Ne vous laissez pas avoir par les apparences. Si Do a Power Bomb ! a l’allure d’un comics-book bourrin, c’est une œuvre profonde et sensible qui pourra toucher un large public. C’est peut-être même la plus belle réalisation de son auteur.
Article publié dans le Mag ZOO N°92 Mai-Juin 2023