Cailleaux a beaucoup travaillé et voyagé en Afrique. Et il a fait deux longs séjours en Inde. Il en résulte ces quatre récits d'ambiance, avec leur part d'exotisme, mais en évitant les clichés. Évasion et authenticité sont ici au menu.
Christian Cailleauxdéploie son dessin élégant à l'encrage simple, mais soigné dans la première histoire, Harmattan le vent des fous, qui a été éditée à la fin des années 90 par Dargaud. Un peu de lavis donne la matière nécessaire, voire la couleur de peau. Le blond Félix et la black Mariam. Le Yin et le Yang. Mais nous parlons bien sûr du rêve africain. Le lecteur ressent vraiment l’expérience de l'Afrique par Cailleaux : l'ambiance, les détails. Le ton sonne juste.
La seconde histoire, Le Café du voyageur, est un voyage immobile. Cailleaux a alors changé d'éditeur pour rejoindre la structure associative Treize Étrange. Une belle femme blonde apparemment en détresse, Moon, est au cœur de toutes les attentions de Mogo. Il ne se passe pas grand-chose dans cette histoire, le lecteur est baladé au gré des errances du héros. Mais il y a un charme indéniable, une invitation à la rêverie. L'encrage est plus appuyé que dans la première histoire. Ici le trait, plus stylisé, évoque Loustal, François Avril...
Les Tribulations de Félix Mogo © Glénat, 2024
Dans le troisième récit, Le Troisième Thé, l'auteur change de technique graphique : le trait se fait plus fin, l'encrage étant remplacé par un crayonné poussé. Il gagne en spontanéité ce qu'il perd un peu en élégance (mais le résultat reste très convaincant !). L'atmosphère du continent africain est comme pour Harmattan joliment rendue, cette fois lors de séjours à Saint-Louis du Sénégal. Ce récit devait dans un premier temps être publié aux Humanos. C'est finalement Treize Étrange qui l'édita, comme le tome précédent.
La quatrième histoire, enfin, Tchaï Masala, fait changer de continent puisque Mogo se retrouve en Inde. Encrage très appuyé cette fois. Mogo change de tête pour l'occasion : le blond est devenu brun et a des traits différents. Passé l'effet de surprise, le lecteur s'adapte et profite du voyage. La recherche d'un capitaine disparu est prétexte à des rencontres pittoresques. C'est sans doute le récit qui a le plus la connotation « carnet de voyage », même s'il est émaillé des rêves saisissants de Mogo.
Notre préférence va sur les premier et troisième récits. Dans les deux cas, on peut parler de « chasse au trésor », même si le contexte est bien différent. On y voit aussi le regard d'un jeune homme rêveur sur les femmes, leur beauté. Et surtout on vit son attirance pour l'Afrique. Une Afrique mi-réelle mi-fantasmée : sa compréhension par un jeune blanc américain de la bonne société. Mais un amour réel. Le trésor cherché est-il à la hauteur de ce qui est espéré ? Le vrai trésor est la découverte d'une ville, d'un pays, du continent. Et ce cœur d'artichaut de Mogo est attiré par plusieurs femmes qu'il rencontre…
En bonus, un texte illustré qui revient sur l'évolution de Mogo au fil de ses aventures et rêveries.
Cette intégrale est vraiment une bonne idée. Outre l'occasion de faire (re)découvrir des histoires publiées il y a une vingtaine d'années, Glénat (qui a depuis repris Treize Étrange comme label) a réalisé un joli objet, de petit format et dense de plus de 600 pages, en bichromie.
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