Dewi et ses soeurs

2072. Quelque part en Chine vit Dewi Setiawan, un clone suivi par le ministère de la Santé du parti. Âgée de 11 ans, la jeune fille présente une capacité hors du commun : celui du mimé-tisme chimique. En émettant des phéromones particulières, les animaux la perçoivent comme l’une des leurs.

On dirait du cyberpunk, mais ça n’est pas du cyberpunk.. La dystopie dans laquelle vit Dewi est une extrapolation d’un futur que la Chine s’attelle à créer. Véri-table laboratoire de la techno-surveillance de masse, le régime de Néomao a éradiqué toute forme de contestation possible. Dans un tel cas de figure, tout ce qui sort du paradigme géré par les algorithmes et l’autorité politique devient la nouvelle rébellion, à savoir… le biologique ! Les insectes, les oiseaux, les baleines… Voilà les nouveaux contestataires, et la jeune Dewi a le don de communiquer avec eux. À son contact, même un chat prétendument domestiqué par le régime devient un dissident. La narration est rapide mais d’une efficacité redoutable pour dresser en quelques pages les rouages d’un totalitarisme sino-orwellien des plus vraisemblables..

Le cyber n’a rien de punk

Pour représenter un cadre pareil, le graphisme noir et blanc de Yann Legendre sonne comme une évi-dence. Les dégradés associés aux contrastes nets perturbent le regard à chaque page. Les silhouettes humaines et animales sont désormais les dernières formes singulières d’un futur carré et lissé jusqu’à l’abstraction. Dans une telle dystopie, admirer la morphologie d’une mouche devient une bouffée d’air frais. En effet, par leurs formes, les nuisibles d’hier viennent contraster avec les froides géométries de demain. Le « bio » est désormais le nouveau « punk ».

Article publié dans le mag ZOO n°105 Juillet-Aout 2025