France profonde

Une plongée réussie dans les 70’ où un policier et une étudiante doivent collaborer dans le milieu naissant du cinéma X. L’occasion de parler de manière documentée et drôle d’une société en mutation, du rapport au corps et de la place des femmes.

L’actrice, réalisatrice et désormais scénariste de BD Swan Dupont s’est alliée avec l’expérimenté Kris pour imaginer un récit à rebrousse-poil : l’inspecteur Firmin Damrémont, célibataire et cinéaste averti, voit son Noël gâché par une nouvelle mission : infiltrer le milieu du porno en se faisant passer pour un producteur. 1973, ces films d'un genre nouveau n'ont pas encore été cantonnés aux cinémas spécialisés. Le flic de la Mondaine va rencontrer Jeanne Venucci, étudiante en cinéma, qui voit dans le X un terrain de liberté pour la sexualité féminine. Dans un milieu dominé par des mâles moustachus, le pari n’est pas gagné. Tous deux vont apprendre à se connaître et travailler ensemble dans cette industrie balbutiante.

Planche extraite de l'album "France profonde" © Albin Michel

Ce n’est pas une BD érotique, mais l’évocation sans fard d’une époque où tout semblait possible. Le récit dense, touffu, surprend. On apprend à connaître Firmin et Jeanne. Ils évoluent, surtout le policier, au départ hanté par un amour de jeunesse sous l’Occupation. Le monde change. Giscard fait campagne. Son élection sera-t-elle synonyme de libération des mœurs ? Le milieu interlope est partagé.

Eliot, dont c’est le second album, est à la hauteur du défi que représente cette histoire de 200 pages. Son dessin semi-réaliste a du charme. Ses décors sont inspirés par des films de l’époque. On croise aussi sous son pinceau des réalisateurs du cinéma « traditionnel ». Mention à Kathrine Avraam, dont les couleurs contribuent à nous immerger dans cette histoire atypique.

Article publié dans le mag ZOO n°106 Septembre-Octobre 2025