Arrowsmith - Édition Spéciale Central Comics - T1 : Arrowsmith T01 - Édition Spéciale Central Comics

La guerre fait rage en 1914, la magie se mêle à la technologie, transformant l’Europe en de terribles champs de batailles. Pour donner une chance supplémentaire aux alliés, on constitue un nouveau corps de soldats volants surnommés les « Aériens », aux États-Unis de Colombie. Un jeune homme rêve de rejoindre cette unité d'élite, de devenir lui aussi un héros, il s'appelle Fletcher… Arrowsmith…

À sa manière, un peu décalée, comme on avait auparavant pu l'apprécier sur Marvels ou Astro City, le scénariste Kurt Busiek nous entraîne dans un passionnant récit de guerre, dans les traces d'un jeune américain, avide de gloire, d'exploits incroyables au sein de ces soldats exceptionnels qui constituent les « Aériens ».

Juste un gars comme les autres

En soi, le fond de l'intrigue reste assez classique, un jeune garçon, qui n'a jamais quitté son village natal, qui rêve d'un avenir plein d'aventures, se retrouve soudain plongé au cœur d'une guerre atroce, et progressivement se révèle à lui même le héros qu'il a toujours espéré être… Busiek reste fidèle à ses thématiques de l'homme ordinaire transcendé par ce qu'il traverse, par l'univers qui l'entoure et Fletcher ne déroge pas à la règle. Au milieu de toutes ces créatures extraordinaires, de ces enjeux qui le dépassent, il ne baisse pas les bras et réussit à s'affirmer.
Derrière sa stature plutôt modeste, c'est tout un pan de notre propre Histoire qui se dévoile, tous ces soldats anonymes qui se sont succédés pendant ces conflits, alimentant des rangées ininterrompues de corps pour on ne sait plus quelle cause… Il est donc question de pointer du doigt les atrocités commises au nom de la guerre, dans les deux camps, les traumatismes qui en découlent, la trace qui reste gravée dans les cours d'Histoire. Ces jeunes soldats sacrifiés au nom d’un quelconque idéal de paix, pour assouvir un besoin de pouvoir déshumanisé d’une hiérarchie de va-t en guerre sans affect.
Busiek n’y va pas par quatre chemins dans son réquisitoires sans appel, un esprit pamphlétaire qui fait réfléchir.

Arrowsmith T01 - Édition Spéciale Central Comics
© Kurt Busiek, Carlos Pacheco - Delcourt

Busiek, au mieux de sa forme

Dans cette uchronie, Kurt Busiek s'amuse donc à glisser par-ci par- là des parallèles, des détails qui viennent rebondir sur l’histoire telle que nous la connaissons, qu'il s'agisse de noms de villes, de grande batailles. Le scénariste a fait un travail admirable, merveilleusement bien documenté et passionnant. Même si la magie reste au centre de l’intrigue, cela reste surtout de l'ordre du background, il n'insiste pas plus que ça, préférant se concentrer sur son fougueux  jeune paysan qui s'élance vaillamment dans les airs, à l'attaque des dangereux dragons. Et on comprend bien mieux la travail qui a été effectué en amont, en lisant le dossier en fin de volume, qui regroupe non seulement la lettre d'intention initiale, très détaillée, qui fut présenté aux éditeurs. Mais surtout, un passionnant appendice extrêmement complet, rédigé par Lawrence Watt-Evans qui extrapole le cadre du scénario, pour compléter l'univers, en renforçant certaines bases historiques, certains points de compréhension, ce qui nous permet une lecture augmentée des plus savoureuses.

Arrowsmith T01 - Édition Spéciale Central Comics
© Kurt Busiek, Carlos Pacheco - Delcourt

RIP Carlos Pacheco

Disparu il y a environ un an, alors qu'il venait de terminer la seconde mini-série d’Arrowsmith Carlos Pacheco nous livre ici l'un de ses meilleurs travaux, indubitablement et j’avoue que cette relecture a un petit quelque chose de nostalgique. Il était alors accompagné par son ami et encreur, Jesus Merino et cette collaboration nous avait déjà permis de nous régaler avec des épisodes inoubliables de Fantastic Four, de Avengers Forever… En commençant cet album, on comprend très vite que le travail est non seulement de qualité, mais qu’il nous permet d'être projetés dans un univers foisonnant, extrêmement riche en mille et une possibilités.
Grâce à l’apport de Merino, le trait de Pacheco gagne en précision, en finesse, une sorte de fluidité dans les traits, dans les textures, c’est absolument splendide. Les expressions, les émotions participent à appuyer sur la vie qui se dégage de chaque page. On est vraiment impressionné du début à la fin.

Un second volume semble bientôt pointer le bout du nez. Je ne saurais assez vous encourager à vous jeter dessus dès sa parution.