Eric Powell nous propose un nouvel album de Chimichanga, l’une de ses meilleures créations, avec cette fois-ci au pinceau rien de moins que la petite-fille de Big John : Stephanie Buscema ! Poilant...
Chimichanga, c’est l’histoire de Lula, une petite fille à barbe vivant dans un cirque. Elle obtient un œuf donnant naissance à un gentil et gigantesque monstre poilu avec qui elle va devenir très amie.
© 2019 Eric Powell. Tous droits réservés. Éditions Delcourt pour la version française
Avec cette œuvre aussi tendre que déjantée, Powell a voulu s’adresser autant aux adultes n’ayant pas renoncé à leur âme d’enfant qu’aux enfants n’ayant pas envie qu’on les prenne pour des abrutis. Il a envisagé ce deuxième opus comme une nouvelle aventure à part entière, très excité de plonger les personnages initiaux dans une autre histoire étrange et décalée.
Pour ce faire, il s’est associé à Stephanie Buscema qui a dessiné et peint en couleurs directes ses mises en pages en respectant l’identité visuelle du premier album tout en y insufflant son style délicieusement désuet. Elle partage avec l’auteur sa nostalgie visuelle, tout comme l’envie d’offrir aux enfants des œuvres s’extirpant du formatage ambiant. Nos deux compères se sont donc retrouvés sur tous les points, et ça se sent. L’univers et les mots de Powell sont bien là, et les peintures de Buscema ont une qualité graphique et chromatique épatante.
Moche, et alors ?
Dans cet album sous-titré La Tristesse du pire visage du monde, Lula va rencontrer son contraire, un être dénommé Ray Pugnant qui n’assume pas du tout sa « monstruosité » et qui en veut au monde entier à force d’être rejeté pour sa laideur. L’aventure dans laquelle cette rencontre a lieu donne une nouvelle fois à Powell l’occasion de dézinguer les instincts les plus médiocres de nos congénères tout en défendant les différences... Car qui est le plus moche ? Le pauvre Ray Pugnant jugé sur son apparence, ou bien cette sorcière flatulente, ces nains haineux, ou encore cette foule prête à lyncher quiconque ne lui convient pas alors qu’elle a élu « le plus taré d’entre eux » comme sénateur ?
© 2019 Eric Powell. Tous droits réservés. Éditions Delcourt pour la version française
Cette belle fable humaniste est constamment contrebalancée par les idées génialement débiles et les dialogues rentre-dedans de Sir Powell qui s’en donne à cœur joie pour nous faire rire, nous outrer, nous toucher, mais aussi nous faire réfléchir sur notre rapport à l’autre et à un monde soi-disant sérieux mais dont l’absurdité est bien plus assassine que celle – jouissive, libre et iconoclaste – de cette œuvre.
Article publié dans le magazine Zoo n°69 Janvier - Février 2019