L’auteur polymorphe Matt Kindt signe des récits de super-héros, de la BD jeunesse et du polar. Sa fresque hybride Mind MGMT combine super-pouvoirs, thriller et psychologie tout en utilisant tout le potentiel de la narration graphique.
Écrivaine à succès, Meru a réussi à résoudre une incroyable histoire de meurtres inexpliqués. Mais aujourd’hui, elle est vidée. Alors qu’elle cherche désespérément un nouveau sujet, elle découvre que l’ensemble des occupants d’un avion a totalement perdu la mémoire. Et parmi eux, un passager mystérieux a disparu… cachant un vieux secret à l’échelle de la planète. Trois tomes, dont le premier fait déjà 352 pages. C’est l’ampleur de cette folle création. Cette oeuvre totale se révèle pensée jusque dans ses marges pour raconter une histoire parallèle. Une forme de mise en abîme pour le lecteur, qui lit les notes de Meru amendées par son éditeur. Kindt joue des codes de construction des pages de bande dessinée, jusqu’aux canevas bleutés, pour nous faire douter de ce que l’on est en train de lire.
CELUI QUI LUTTE A PERDU
Le véritable enjeu du récit semble bien de perdre celui qui ne fait pas partie du Mind Management, cette organisation secrète d’agents dotés de pouvoirs psychiques immenses. Leur affrontement se joue sous nos yeux. Complexe ? Indéniablement. Mystérieux ? Plus encore. Mais jamais Matt Kindt ne perd le lecteur.
Un tour de force méritoire car l’auteur excelle à détourner notre attention. Il casse par exemple le récit en y injectant des dossiers biographiques d’agents. Le lecteur qui tentera de résister sera perdu tandis que celui qui acceptera son sort, comme les « victimes » du Mind Management, trouvera pleine satisfaction. Et à la dernière page, se trouvera frustré et en manque de lecture, malgré les 350 pages précédentes. Certes le dessin de Matt Kindt peut déranger le lecteur peu familier de son oeuvre. Parfois correctement maîtrisé, parfois complètement jeté, son trait offre un autre mystère à décoder pour le lecteur. Une nouvelle source d’indices en attendant la suite de cette enquête truffée d’agents secrets. Tout ceci fait que l’éditeur français Monsieur Toussaint Louverture pourrait bien avoir mis la main sur une des pépites de cette année 2020.
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