A peine remis des excellents volumes que furent Pulp et le Hors-Série de Criminal, le duo Brubaker/Phillips revient avec une nouvelle série, nouvelle preuve de cette virtuosité qui est désormais leur marque de fabrique. Los Angeles, les années 80, si vous avez besoin d’aide, appelez Ethan Reckless !
Ethan est le spécialiste des problèmes à résoudre. Son QG se trouve au-dessus d’un vieux cinéma désaffecté ou son amie Anna s’occupe de gérer les coups de fil qui viennent régulièrement solliciter ses services. Depuis qu’il a décidé de tourner le dos à son passé d’agent infiltré, au sein du FBI, il met à profit son expérience de fin limier, en se permettant même de trier les affaires dont il veut se charger. Ethan est tout simplement le meilleur dans sa catégorie. Cependant, lorsqu’une ancienne copine, qu'il n'a pas revu depuis l’époque où il enquêtait sur un groupe d’étudiants radicaux, vient le voir afin qu'il l'aide à retrouver son ex qui lui aurait dérobé de l'argent, il hésite et se méfie. Il sent le coup fourré à plein nez, mais en souvenir de ce passé lointain, il replonge…
L'écriture de Brubaker est sèche, incisive, sans appel
© Delcourt, éditions 2021
Bien conscient qu’aux États Unis, le format en single est de plus en plus fragilisé, Brubaker et Phillips proposent Reckless directement sous forme de Graphic Novel. Les volumes se succèderont ainsi au fil des mois. Au moment où j’écris cet article, le troisième album est d’ailleurs en passe d’être publié chez Image. Cette initiative est intéressante, car elle contourne assez habilement cette problématique de la prépublication sous forme de livrets mensuels qui sont ensuite rassemblés en recueils, comme ce que l’on voit au final, en France. Il n’est désormais plus utile d’éditer deux fois la même chose. On comprend néanmoins bien que le succès de leur production et l’assurance d’avoir un cœur de lecteurs fidèles permettent aux deux auteurs d’opter pour cette solution qui nécessite d’être tout de même bien installé !
Avec Reckless, nous sommes en terrain connu, du polar moderne, héritier de Chandler ou Hammett, un détective désabusé et cynique, embringué dans une histoire qui le dépasse, qui le ramène vers son passé, vers ses anciens fantômes. L'écriture de Brubaker est sèche, incisive, sans appel, le héros n'en est pas vraiment un, ou tout du moins il ne demande pas à l'être. Il faut accepter sa rugosité, sa nonchalance et cette violence qui fait de lui un personnage complexe, ambigüe ! On retrouve cette épaisseur dans les diverses caractérisations, un mélange entre instinct, danger et tension qui nous prend aux tripes dès les premières pages. Tout fonctionne parfaitement, nous entraînant progressivement dans une multitude de rebondissements, très adroitement menés et passionnants !
De son côté, Sean Phillips est une nouvelle fois au sommet de son art, sans chichis esthétique, il force les contrastes, les expressions, épaulé aux couleurs par son fils Jacob qui rajoute une palette assez particulière qui colle très bien aux ambiances du dessin !
Une pure réussite qui promet de belles surprises à venir !
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