Southern Bastards : le Sud des États-Unis comme vous l’imaginez ! Violent, pauvre, raciste, peu amical. Jason Aaron de Jasper, Alabama, et Jason Latour de Charlotte, Caroline du Nord, règlent leurs comptes avec le « coeur de Dixie », dans une enfilade de clichés, de déclarations burnées... Et de séquences novatrices !
Southern Bastards commence simplement : un chien pose sa pêche dans un champ. Plutôt inhabituel dans une BD. La case suivante nous montre un camion arrivant lentement, et le chien débile et décharné se mettre à courir après en hurlant. Ce camion, c’est celui d’Earl Tubb, un fringant sexagénaire en chemise à carreau qui revient dans sa bonne ville natale de Craw County pour y vendre la maison de ses parents.
Mais bien entendu, Earl a ses comptes à régler avec cette ville, où son père, ex-shérif local, est mort « dans l’exercice de ses fonctions », c’est à dire battu à mort sur le pas de sa porte. Une ville se révèle sans surprise aucune, depuis le restaurant au bord de la route jusqu’à l’omerta qui entoure la violence de l’équipe de football hors du terrain. Jason Aaron et Latour nous présentent un miroir déformant du Sud profond : ils nous en montrent l’essence à travers les clichés que le lecteur s’en fait, et les deux ne sont parfois pas si éloignés.
Si cet album joue avec les clichés sur le Sud, il renverse en revanche de nombreux clichés narratifs. On s’attache à Earl, on en fait notre héros. Mais on s’aperçoit vite qu’il n’y a pas de héros dans Southern Bastards, que des paumés névrosés qui ne peuvent pas cohabiter. Les personnages prennent le temps de se révéler : ils s’installent en deux phrases chocs avant de révéler une profondeur insoupçonnée quelques dizaines de pages plus tard.
Cette histoire prend son temps pour s’installer mais démarre foutrement bien.