Walter l’avait annoncé à la fin du premier arc, il y avait d’autres groupes comme le sien dans le monde. Quelque part, au bord de la Méditerranée, ils sont eux aussi 10, rassemblés par Max, ils sont censés être les meilleurs d’entre tous…
Les deux volumes de The Nice House on the Lake, parus respectivement en février et mars 2023, de James Tynion IV et Alvaro Martinez Bueno, ont eu un retentissant succès, accumulant les prix et la reconnaissance unanime tant des critiques que des lecteurs. Cependant, contrairement à ce qu’avait initialement annoncé Tynion IV, la fin se terminait par une porte ouverte vers une suite, un second cycle qui promettait d’explorer les pistes laissées en attente.
La situation
Resituons un peu le contexte de cet univers. Walter invite 10 amis à venir passer une semaine avec lui dans la riche propriété que lui a prêtée généreusement une connaissance. Une fois arrivés, les 10 convives apprennent que leur hôte est en réalité un extra-terrestre qui les a sélectionnés afin qu’ils puissent vivre tranquillement dans cette « prison » dorée tandis que partout ailleurs, c’est la fin du monde, que tous les humains sont tués, que toutes les villes détruites… D’abord choqués par ces révélations, ils apprennent progressivement à cohabiter les uns avec les autres, tout en essayant d’en apprendre davantage, notamment sur Walter lui-même, décryptant les souvenirs qu’ils partagent tous, les véritables raisons de leur présence parmi les autres. Tynion IV entretenait alors quelques petits mystères, principalement dans le fait que les versions futures témoignaient des évènements, dans un décor apocalyptique, laissant présager ce qui allait suivre. Plus on avançait, plus les réponses s’accompagnaient d’autres questions, plus la figure de Walter, omniprésente tout du long, se floutait, devenant à la fois plus émouvante, plus sombre, plus fragile. C’est le type d’histoire, façon « Sa majesté des mouches », où les personnages se révèlent au gré des expériences, de la tension qui monte, mais aussi de la promixuité avec les autres.

The Nice House by the Sea, la suite de The Nice House on the Lake © Urban Comics
Le scénariste adoptait une écriture très profonde qui laissait la place à chaque protagoniste de pouvoir exprimer ses sentiments sur ce qu’il vivait, tout en évoquant le passé avec Walter, avec les autres. On se rendait alors compte qu’il était peut-être davantage question de ces moments, des liens qui s’étaient construits au fil du temps, de l’éternelle complexité de l’âme humaine et de cette question lancinante : « Que restera-t-il de nous à la fin du monde ? »
Arrivés à un moment charnière de leur aventure, les dix survivants découvraient que non seulement leur expérience n’était pas unique, mais qu’il fallait peut-être s’attendre à voir tout ça se terminer plus brutalement qu’ils ne le pensaient…
Le second cycle
Démarrant sur ce nouveau statu quo, nous rencontrons, dès les premières pages de ce volume, une autre communauté, triée sur le volet par une mystérieuse Max, compatriote de longue date de Walter et donc hypothétiquement amie des précédents personnages aussi. Chaque membre de ce nouveau groupe est en quelque sorte le meilleur dans sa partie, qu’il s’agisse d’écrivain, de musicien, de pédagogue, de politicien ou d’industriel. On comprend que, contrairement à Walter, Max ne s’est pas empêtrée dans un jeu d’énigmes avec ses invités, elle leur a tout de suite présenté la réalité qui les a amenés à se retrouver dans ce village méditerranéen conçu expressément pour eux et les enjeux qui accompagnent cette sélection… Ils doivent être le groupe qui survivra aux autres. Cependant, lors d’un orage, un passage s’ouvre bizarrement entre les deux sites, permettant ainsi aux uns de prendre conscience de la présence des autres. Si cette découverte est importante, elle exacerbe malgré tout un sentiment d’autodéfense dans le second groupe qui perçoit le premier comme une menace pour ses objectifs…
À nouveau, Tynion IV décortique chaque personnalité et, bien qu’il se concentre principalement sur le « groupe de Walter », qu’il continue d’explorer les liens qui maintiennent la cohésion de ce petit monde, il est fort à parier que les nouveaux venus vont eux aussi gagner en complexité par la suite, comme on peut le deviner lors de leurs réunions de concertation.
On sent toutefois que ce second cycle est moins axé sur cette notion de fin du monde qui anime le premier. Il est bien plus question des synergies très différentes qui constituent l’identité des deux entités. Si les uns sont davantage résignés à simplement vivre cette expérience sans enjeux particulier, les autres sont nettement plus organisés, avec un esprit résolument plus compétitif. La confrontation, qui se précise de plus en plus, risque de voir s’affronter deux conceptions de la réalité très opposées.
En attendant, l’écriture de Tynion IV gagne en profondeur, avec des portraits particulièrement touchants. Tandis que, sur le plan graphique, Martinez Bueno continue de nous éblouir avec des mises en page audacieuses et un traitement d’une grande beauté.
Comme le premier cycle, ce tome 3 nous offre une expérience de lecture très impressionnante. Vivement la suite…
0

0