Après Blacksad en bande dessinée et Zootopia en film d’animation, reste-t-il de la place pour de l’anthropomorphisme pur et dur ? Beastars argue que oui, défendant fièrement la bannière du genre.
Blacksad et Zootopia dominent le monde du divertissement anthropomorphe grand public. Difficile d’aborder le genre animalier, couplé a priori à une enquête, sans assumer au préalable leurs impacts respectifs. Beastars s’engouffre dans la voie pavée par ces deux colosses en sachant subtilement les faire oublier, malgré la similarité de leurs thèmes.
Loup y es-tu ?
Stupeur sur le campement ! Tem, l’étudiant alpaga, est retrouvé mort un matin. Un décès brutal, sanglant, qu’on attribue d’office à un carnivore. La défiance jusque-là larvée réapparait abruptement, l’ambiance se glace et tous les problèmes d’une société aussi disparate ressurgissent de concert. Legosi, énigmatique et touchant loup gris, agile mais maladroit, puissant mais désemparé, canidé courbé par la peine que lui infligent les autres et pourtant altruiste, se retrouve sans le vouloir au cœur du marasme. C’est son parcours que Paru Itagaki nous propose de suivre.
© 2017 Paru Itagaki (AKITASHOTEN)
Dans cet univers d’animaux conscients où tous tentent de dépasser l’impérieux appel de leur nature, les herbivores continuent à craindre les carnivores. La société dans laquelle ils évoluent est intimement discriminante, au point où les us et coutumes progressistes n’arrivent qu’à peine à enrayer de néfastes remises en question morales. Le récit projette initialement de se pencher sur le combat contre les pulsions, en usant de métaphores parfois assez éventées.
Très rapidement toutefois, la série sort des poncifs introductifs en étoffant son personnage principal dont les problèmes de grand carnassier se couplent aux prises de conscience infiniment personnelles. En marge de sa propre réappropriation identitaire, Legosi permettra aussi d’aborder l’exclusion sous divers angles autant culturels que naturels.
Animalité raisonnable
Si l’auteur manque de justesse dans ses décors, ses personnages sont à l’inverse très vivants. Entre le loup dégingandé, le renne dédaigneux et le tigre musculeux, chaque personnage éclipse cette faiblesse environnementale en investissant pleinement ses cases.
© 2017 Paru Itagaki (AKITASHOTEN)
Ces deux tomes de Beastars ne sont encore que des points d’entrée. La série a encore la possibilité de partir dans de nombreuses directions inattendues. Bardé de récompenses japonaises, le titre mérite qu’on le suive avec curiosité, le temps de s’attacher à son grand dadais connu comme le loup blanc.
Article publié dans le magazine Zoo n°69 Janvier - Février 2019
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