Le premier tome publié par Glénat du manga Fool Night, de Kasumi Yasuma, a interpellé lecteurs et critiques. Développant un univers unique et particulier, les premiers épisodes étaient porteurs d’une promesse autant que d’une inquiétude : l’auteur allait-il se montrer audacieux dans son seinen ou bien allait-il appliquer des recettes classiques d’écriture. Bonne nouvelle, c’est la première idée qui domine ce second tome.
Dans le futur, la Terre se meurt, prise dans un hiver sans fin qui a tué la plupart des plantes. Une seule technique permet de produire l’oxygène nécessaire à la vie : la transfloraison. Se faire implanter une graine qui se développera en vous et vous transformera en fleur, la sanctiflore. Toshiro, pauvre, avec une mère malade, a accepté de se faire transplanter. Mais l’opération a eu un effet inattendu. Désormais, il peut comprendre les sanctiflores. Un talent vite mis à profit par les pouvoirs publics.
La crainte d'un effet Ikigami
Le tome 1 de avait fait germer une crainte. Le héros devenu enquêteur, la série allait-elle se muer en Ikigami-like, avec une enquête à résoudre par recueil et un fil rouge qui avance doucement ?
Bonne nouvelle, il semblerait avec ce tome 2, que ce ne soit pas le cas. L’aspect polar demeure, c’est certain. Il y a donc une autre enquête. Mais Kasumi Yasuda semble écrire le développement de son héros comme une longue quête qui ne prendrait pas de pause. Au lieu d’une succession d’étapes à franchir, son aventure semble écrite comme un unique voyage dont la cohérence prendrait sens par une construction permanente.
Fool Night, T.2
© Glénat, 2022
Un polar c'est noir, voire très noir
Il y a un ton Fool Night. Un ton à part. L’auteur nous livre déjà des clés sur son personnage et les sentiments y sont sombres, presque désespérés. Il donne à comprendre les motivations du sacrifice initial de Toshiro. Il en fait un homme imparfait, hésitant, à priori facile à manipuler. Il sème des pointes d’héroïsme, mais qui ne cassent pas la noirceur de l’ambiance. Le monde l’est tout autant, sombre et désespéré. L’arrivée d’un tueur très particulier, difficile à comprendre et mystérieux, renforce cette tonalité. Yasuda écrit une dystopie et ne cherche pas à édulcorer son propos.
Mais pouvait-il en être autrement au vu de son dessin ? Le mangaka sort des codes habituels. Il ne représente vraiment pas le manga mainstream. Le dessin est fin. A la fois souple et acéré par moment. Les pages semblent griffées par le crayon. Il y a de l’agressivité dans son travail. Ce n’est pas un OVNI, on sent tout de même l’artiste marqué par le monde du manga contemporain. Mais assurément, il y a quelque chose de personnel que l’on a envie de voir éclore pleinement. Comme si Yasuda était lui-même une sanctiflore en développement.
Un tome 2 qui rassure, qui fait avancer l’intrigue et continue d’interroger pourtant le lecteur. Fool Night de Kasumi Yasuda chez Glénat, se précise comme un des mangas à suivre de près en 2023.