Kaijin Fugeki - Kindled Spirits - T1

Dans ce conte fantastique signé Oh! Great, une bande de jeunes gens affrontent des démons matérialisés sous forme de catastrophes naturelles en… dansant ! Au menu : bastons, divinités et fan-service.

Dans un monde où les cataclysmes sont de véritables entités démoniaques (appelées « Nocturnes »), un groupe de jeunes se dresse face à ce péril menaçant l’humanité. Membres d’une division d’invocateurs, ils sont des « fugeki », des chamanes qui dansent pour puiser de l'énergie spectro-magnétique. Les anciens se servaient de cette force pour invoquer des divinités capables de défaire les Nocturnes. Au sein de cette drôle d’équipée de sauveurs du monde, on retrouve Jin, gamin issu de la campagne japonaise et pilote du Tatarigatana (le sabre du châtiment) ; Gao, jeune général, fils de l’empereur britannique et d’une commandante ; Micaiah, officière amoureuse de Gao ; ou encore Natsu et Fuyu, les sœurs siamoises aux pouvoirs ésotériques…

« Les invocateurs entrent en piste »

Prépubliée depuis 2024 dans le Weekly Shônen Magazine de Kôdansha, la série Kaijin Fugeki a déjà 3 tomes parus au Japon, où elle est toujours en cours. Son auteur, Oh! Great, de son vrai nom Ogure Ito, vient du ecchi, des mangas pornographiques. Opérant un changement de style dans les années 1990, le mangaka a déjà publié des œuvres grand public reconnues, comme Enfer et Paradis,Air Gear et, plus récemment, Bakemonogatari.

Chaque nouvelle production de ce mangaka très populaire au Japon est toujours un véritable petit événement éditorial. Pour le lancement de Kaijin Fugeki en 2024, Kôdansha avait octroyé 80 pages et la couverture de son magazine shônen à la série. La voici désormais éditée en France par Pika.

Dans l’œil du cyclone

Le lecteur est immédiatement propulsé dans une auberge au Japon, en pleine canicule, alors que les deux héros de Kaijin Fugeki s’affrontent dans un combat de bras de fer chinois, digne d’une scène de catch, pour savoir qui ira chercher de la limonade à l’autre. Tout de suite, l’humour. Mais aussi, l’inconnu. Fidèle à lui-même, Oh! Great ne s’embarrasse pas d’explications dans ce premier tome. Le lecteur est projeté dans l’action et il n’en apprendra plus sur les rouages de ce monde, et sur ses habitants, qu’au fil de différents flashbacks. Kaijin Fugeki est ainsi un concentré de situations épiques, quitte à ce que son scénario sonne parfois « prétexte ». Par exemple, lorsque le vaisseau de Gao écrase la maison de Jin (tuant au passage sa mère !) et que les deux garçons deviennent aussitôt… meilleurs amis !?

Fidèle à lui-même, Oh! Great ne s’embarrasse pas d’explications dans ce premier tome. © Pika, 2025 - Oh! Great

Tradition et futurisme

La relation entre Jin et Gao est une chouette trouvaille narrative : l’un incarne l’orient, l’autre l’occident. Tous deux se retrouvent autour des mêmes valeurs d’amitié et de dons de soi, tout en étant suffisamment différents pour créer un dialogue intéressant entre leurs cultures.

Autre dichotomie appréciable dans Kaijin Fugeki : le mélange d’époques. Dans une sorte de rétro futurisme dystopique, Oh! Great mêle des aéronefs et des casques volants ultra-modernes à des combats à l’épée et au mousquet dans des uniformes du début XIXe. Dans le même esprit, le lien entre technologie et tradition est un décor idéal pour un shônen de bastons. On découvre aussi des créatures du folklore nippon (comme les sudama) et des pratiques spirituelles, comme les kagura (danses divines) pour lutter, ici, contre les Nocturnes, façon capoeira.

Bonnet H, comme hentai

Oh! Great est connu pour son trait fin et précis, proche du photoréalisme. Le mangaka est réputé pour ses décors et ses représentations de textures. Ses pages regorgent de détails. Les scènes de combat sont portées par un bel usage des noirs, bien qu’elles puissent être par moment très « posées », figées en un tableau dramatique.

Côté personnage, le style d’Oh! Great est nourri d’inspirations érotiques (notamment les œuvres d’Eiji Otsuka) et de son travail dans le ecchi. Ses héros aux traits lisses et aux proportions fantasmés sont reconnaissables entre mille et, avouons-le, le fan-service est au rendez-vous. On peut citer une poitrine au bonnet défiant toutes les lois de la physique. Ou encore ce dialogue qui se passe de commentaire : « Cette chute en avant aurait été provoquée par le poids de sa propre poitrine… » De manière générale, le rapport aux femmes est très érotisé et stéréotypé : à part Jin et Gao, tous les personnages principaux sont de jolies jeunes femmes, très souvent représentées dans des positions ou tenues empreintes de male gaze. C'est ce qu’on appelle pudiquement “la recette du succès”.

" Les scènes de combat sont portées par un bel usage des noirs, bien qu’elles puissent être par moment très « posées », figées en un tableau dramatique. " © Pika, 2025 - Oh! Great

Article publié dans le Mag ZOO Manga N°19 Mai-Juin 2025