Manji ne pouvant clamser, ses péripéties sont alors vouées à s’accumuler éternellement. L’Habitant de l’infini, témoin contraint de la marche du progrès.

© 2016 Hiroaki Samura
La force de ce récit fascinant réside autant dans son style crayonné texturé que dans les subtils choix moraux parsemant son épopée. La série est aussi le berceau de styles de combats sans concessions dont les paroxysmes sont systématiquement attendus avec délectation. Comment se battre quand son corps refuse de céder à la mort ? Manji incarne pleinement et littéralement l’expression « à corps perdu » et ne ressort jamais glorieux d’un combat. Embroché de toutes parts, il y perd généralement un membre ou deux qu’il devra s’empresser de recoller à la hâte avant le prochain bain de sang. Cette chorégraphie meurtrière, douloureuse et ensorcelante qu’il ne peut être le seul à mettre en œuvre est troublante. À cette étrange beauté brutale s’oppose la délicate altercation des idées de personnages opposés qui, sans manichéisme, poursuivent simplement leurs idéaux et combattent leurs propres ennemis dans une échelle de valeur pyramidale qui nous rappelle qu’il y a toujours un plus gros poisson malveillant, avide et fondamentalement humain, prêt à nous entourlouper.
Infinitésimal au ventre
L’Habitant de l’infini, paru en France dès 1995, revient dans un nouveau format double, accompagné de sa suite tardive. Ce nouvel opus n’a pas la maestria de l’originel mais se permet d’essayer de tout cœur, non sans réussites partielles indéniables. Manji l’éternel y réapparaît 50 ans après son combat contre l’Itto-Ryu, à une époque historique plus tourmentée que jamais.