Dans une ruelle de Shinjuku, une gargote sert de la soupe miso au porc et trois types d’alcools. Ça c’est ce qu’annonce l’affiche à l’entrée mais, en réalité, le patron prépare aux clients ce qu’ils souhaitent. Ouverte toute la nuit, La Cantine de Minuit tisse de plat en plat le quotidien d’un quartier de nuit où se croisent stripteaseuses volages, yakuzas nostalgiques et amoureux déçus. Un microcosme attachant à déguster dans ce très beau manga grand format.
Au comptoir d’un restaurant perdu dans un quartier du centre de Tokyo, se croisent vies brisées, petits tracas et grandes joies. Le tenancier, aussi mystérieux que la cicatrice qui lui barre l’œil, raconte au lecteur ses rencontres autour de repas qui en prennent une saveur particulière. Loin de la gastronomie tape-à-l’œil ou du catalogue de madeleines de Proust, on se régale de ce ballet nocturne d’êtres qui se dévoilent autour de préparations qui mettent l’eau à la bouche.
Dans La Cantine de minuit, la narration minutieuse, tout en ellipses, évite les grands effets de manches ou de trop assaisonner le récit de bons sentiments. De simples saucisses coupées en forme de poulpe sort le doux effluve d’un amour de jeunesse et d’un rêve brisé. D’un amour identique pour les œufs au plat accompagné d’un différend autour de la sauce à utiliser savoure-t-on l’ironie de deux vies si semblables... Une cuisine en apparence simple mais qui fond en bouche, apaisante et chaleureuse.
Aussi épuré que le récit, le trait d’Yarô Abe est pareil à un dosage subtil d’aromâtes. Assez léger pour que les scènes de striptease ne tournent pas au voyeurisme et assez assuré pour que les moments intimistes soient denses, il parfume ces moments tokyoïtes de réalisme et de poésie quotidienne.
Comme un met simple mais parfaitement équilibré, La Cantine de Minuit rend irrémédiablement accro, pour notre plus grand plaisir.