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Scott McCloud «En BD, il n’y a pas de règles ; les voici !»

Quelle est la nature de la bande dessinée ? Que peut-on faire en BD ? Comment le faire ? Le dessinateur américain Scott McCloud (qui sera présent aux rencontres internationales du Festival d’Angoulême 2008) répond à ces questions dans L’Art Invisible, Réinventer la bande des- sinée et Faire de la bande dessinée, trois ouvrages de référence qui pas- sionneront tous ceux qui s’intéressent à la BD en tant que mode d’ex- pression.

Scott McCloud est avant tout un auteur de comics. Né en 1960, il vit de son art depuis 1984, année où il lance sa propre série, Zot. McCloud estime lui-même que cette série n’est qu’en cinquième position sur la liste des activités qui contribuent à sa célébrité. Car ce n’est pas dans la fiction que son talent se montre le plus éclatant, mais dans un domaine bien plus spécifique : la réflexion sur la bande dessinée.

Will Eisner, pionnier du renouveau de la BD américaine sous sa forme de «roman graphique» (c’est-à-dire des histoires aux thématiques et aux formats moins stéréotypés que ceux qui étaient offerts au public américain, à la fin des années 1970), avait été l’un des premiers auteurs à utiliser la bande dessinée pour parler de bande dessinée, dans deux ouvrages pédagogiques : La bande dessinée, Art séquentiel et Le récit graphique (parus chez Vertige Graphic).

Dans les pas de ce maître, qui fut aussi son professeur, Scott McCloud a consigné 15 années de réflexion dans trois livres qui for- ment ce qu’il faudrait appeler un «cycle de conférences sur la bande dessinée». Le 9e art y est décodé de l’intérieur, puisque l’auteur a choisi d’exposer l’état de ses réflexions et analyses en dessins, en se représentant sous les traits d’un conférencier et en ne lésinant pas sur le budget diaporama !


Publié en 1993 aux États-Unis et en 2000 en France, L’Art invisible a depuis été adapté en 16 langues. Le titre a obtenu de nombreuses dis- tinctions, dont le Prix de la Critique décerné en 2000 par l’ACBD (Association des Critiques et jour- nalistes de Bande Dessinée), et une reconnaissance par des auteurs réputés qui ont désigné cet ouvrage comme étant l’un des livres les plus intelligents jamais écrits sur le sujet. Introuvable depuis quelques mois, le voilà réédité chez Delcourt, avec une lisibilité améliorée par un nouveau lettrage.

L'Art Invisible a été récompensé par un Eisner et trois Harvey Awards, ainsi que deux distinctions à Angoulême : meilleur album étranger et prix de la critique.

L'Art Invisible a été récompensé par un Eisner et trois Harvey Awards, ainsi que deux distinctions à Angoulême : meilleur album étranger et prix de la critique.

Outre une définition de la bande dessinée et de précieuses explications sur son fonctionnement, L’Art invisible milite pour une reconnaissance de la BD comme forme artistique spécifique. L’auteur explique aussi pourquoi la BD fonctionne, comment des images fixes et muettes peuvent produire une impression de mouvement et de son. Tout viendrait de cette capacité des lecteurs à comprendre les ellipses, autrement dit à établir un lien entre deux cases. La bande dessinée existe, explique McCloud, à cause de ce qu’il y a entre les cases. D’où ce titre : Art invisible.

Les chapitres 3 et 4 sont particulièrement éclairants : l’auteur liste les différents types d’enchainements possibles d’une vignette à l’autre, et examine l’utilisation de chacune des catégories par différents auteurs américains, européens ou japonais. Cette mesure, traduite en diagrammes, montre que la narration manga est différente des autres. Quinze ans avant tout le monde, McCloud définissait donc le manga non pas comme une appellation d’origine, mais comme un mode narratif objectivement particulier. De quoi donner raison aux auteurs internationaux qui se revendiquent de la culture manga sans être Japonais !

Visionnaire, McCloud tente de l’être dans Réinventer la bande dessinée, nouvelle conférence dans laquelle il imagine quelles conséquences l’ordinateur et les réseaux informatiques peuvent avoir sur la bande dessinée, en tant que discipline artistique d’une part, mais également en tant qu’industrie commerciale. Ce livre apparaît d’une portée moins universelle que le précédent, car très centré sur les préoccupations des auteurs américains à l’aube du 21ème siècle, sur fond de crise d’un secteur de plus en plus concurrencé par des loisirs techno- logiques, comme l’usage d’Internet ou le jeu vidéo. Le lecteur européen ne pourra s’empêcher de trouver McCloud exagérément optimiste dans son exposé du modèle économique espéré pour les webcomics. En revanche, les développements sur les possibilités d’une bande dessinée affranchie des contraintes physiques du papier sont tout à fait passionnants.

Avec Réinventer la bande dessinée, il franchit une nouvelle étape en décrivant les douze révolutions en cours dans la création, la lecture et la perception de la BD. De l'issue de ces révolutions dépend la place qu'occupe la BD dans la culture aujour

Avec Réinventer la bande dessinée, il franchit une nouvelle étape en décrivant les douze révolutions en cours dans la création, la lecture et la perception de la BD. De l'issue de ces révolutions dépend la place qu'occupe la BD dans la culture aujourd'hui.

Extrait de Réinventer la Bande Dessinée

Extrait de Réinventer la Bande Dessinée
© DELCOURT / Scott Mc Cloud

Enfin, McCloud livrait en 2006 un nouvel opus, publié en octobre 2007 chez Delcourt sous le titre Faire de la bande dessinée. Le narrateur- conférencier revient, et cette fois c’est pour aider les auteurs en herbe ou confirmés à explorer toutes les voies de perfectionnement possibles. Rendre les personnages crédibles (aussi bien dans leur représentation que leur psy- chologie), construire des univers riches, choisir ses cadrages, trouver son style, choisir ses outils… En principe, il s’agit de passer de la théorie à la pratique. Mais c’est peut-être l’inverse, puisque ce livre permet à McCloud de préciser les différentes thèses exprimées dans L’Art invisible, à la lumière de 15 ans d’expérience supplémentaires ! Le lecteur non praticien y trouve son compte : il n’est pas si fréquent qu’un auteur prenne le temps d’évoquer les petites ficelles du métier, surtout avec un tel esprit de synthèse.


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