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« Ils réinventent la BD » : notre sélection

Pour terminer en beauté cette semaine mettant à l’honneur l’inventivité des auteurs de BD, notre équipe de chroniqueurs vous propose une petite sélection : huit albums de ces 15 dernières années, qui ont à leur manière redéfini la bande dessinée !

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Le choix de Marlène Herbelin

3’’, sorti en 2009, est une expérimentation d’un auteur passé maître en la matière : Marc-Antoine Mathieu. Lorsqu’il n’est pas occupé à s’interroger avec son personnage phare sur les subtilités de la narration en BD, Marc-Antoine Mathieu se pose ces questions tout seul. Et y répond. Avec 3’’, il signe une expérimentation muette, un zoom infini : alors que le temps s’est figé, l’œil du lecteur, s’enfonce et se reflète à l’infini sur des sujets variés. Une leçon narrative poursuivie sur internet avec un turbomédia qui étend la réflexion sur le devenir de la narration graphique.

Le Photographe

Le choix de Pierre Fontanier

La série Le Photographe, en trois tomes a révolutionné le genre en l'hybridant. Le dessinateur Emmanuel Guibert, le scénariste et photographe Didier Lefèvre et le maquettiste Frédéric Lermercier sont les premiers à avoir construit avec autant de profondeur et d’authenticité une BD à partir d’un véritable travail photographique de terrain. L’articulation entre dessin, texte et photos ajoute une intensité incroyable à un projet graphique qui n’en manquait déjà pas.

Kiki de Montparnasse

Le choix d'Emmanuëlle Coïc

À l'heure où les Français se passionnent pour les faits divers, le genre des biographies dessinées est en plein essor. Avec Kiki de Montparnasse, paru en 2007, la bande dessinée historique interrompt son engagement à satisfaire un « devoir de mémoire » au profit de souvenirs bien moins considérés par les tenants de l’Histoire académique.

Au fil des pages, les grands noms du Surréalisme et du Dadaïsme se succèdent, tandis que Kiki s'étiole, affrontant une dure réalité. Une ode à la vie, à la mémoire d’une personne remarquable que l’on refusera d’oublier ! Notre Histoire se compose d’histoires : encore fallait-il les raconter.

Soil

Le choix de Caroline Bulletine

Soil, d’Atsushi Kaneko, est un polar/thriller teinté de fantastique. Rien qui ne sorte de l’ordinaire jusqu’ici. Mais lorsque l’auteur se sert du genre et des techniques graphiques propres au manga pour créer un univers de folie douce qui tutoie l’ambiance mortifère d’un Twin Peaks, on se retrouve avec un seinen qui sort des sentiers battus. Une critique hallucinée de la perte d’âme et d’identité des villes nouvelles.

L'Art invisible de Scott Mc Cloud

Le choix de Ramona Flowers

En 1993, cela fait presque un siècle que la bande dessinée existe. Or un ouvrage théorique sur la bande dessinée, en bande dessinée, ça semble évident et pourtant ça n'avait encore jamais été fait. Les curieux des secrets de la narration graphique ne pouvaient trouver fortune que dans les classiques ouvrages de Will Eisner ! Alors quand un ancien auteur de SF, qui vient tout juste de publier A Day’s work en inventant au passage les 24h de la BD décide de s’y mettre, ça se lit tout seul, c'est très complet et forcément on apprend plein de choses ! Un classique !

La Grande Guerre de Joe Sacco

Le choix de Hans Castorp

Remettre la fresque au goût du jour : voici le défi auquel s’est attelé Joe Sacco. Avec son habituel style fouillé et détaillé, le plus dessinateur des journalistes retranscrit avec talent et intensité une bêtise huamine qui est, pour le coup, intemporelle. Une fresque donc, se lisant à l’italienne et dépliable sur sept mètres de long. Rangez vos albums, la bande dessinée n’a pas besoin de pages ! Le découpage s’en fait beaucoup plus vif, plus immersif. Voilà la preuve que la bande dessinée ne cesse de changer et fait elle-même sa propre révolution.

Blast

Le choix de Serge Buch

Après avoir brillamment exploré et partagé avec ses lecteurs son propre vécu comme une sorte d’auto-thérapie avec Le combat ordinaire, Manu Larcenet affirme un changement de cap et de style inattendu avec Blast. Un voyage hallucinant en compagnie d’un personnage hors normes.

Une garde à vue dans un commissariat en quatre étapes publiées en moins de cinq ans qui nous plonge dans un univers dont on ne peut sortir que transformé. Un joyau graphique et littéraire finement ciselé d’une rare exigence, qui nous mène vers des contrées scénaristiques peu explorées par l’art séquentiel.

Rural !

Le choix de Christophe Steffan

Alors que les récits réalistes appartenaient le plus souvent au genre autobiographique ou au témoignage familial et historique (Persépolis, Maus...), Etienne Davodeau ouvre la bande dessinée au documentaire graphique avec Rural !. L'auteur, bien que représenté, n'est pas l'acteur premier des évènements mais un artiste curieux qui tente de comprendre et transmettre les témoignages, poignants ou drôles, recueillis au fil des rencontres. Davodeau n'est pas journaliste mais il recherche, à sa façon et avec la distance respectueuse de l’authenticité des faits. Rural ! a donc ouvert la voie à un genre devenu classique.

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